Vivre chaque jour comme une aventure unique, faite de nouvelles découvertes et de défis lancés aux rêveurs téméraires, telle une odyssée contre vents et marées. L’essence même de se sentir vivant, c’est ce qu’a voulu raconter Symon Welfringer : une expédition de 33 jours au Groenland face aux éléments, dans l’immensité et la beauté des paysages arctiques.
EN QUÊTE D'AVENTURE
Après l’ascension de l’Hungchi (7029m), Népal, au printemps dernier avec Charles Dubouloz, Symon, lauréat d’un piolet d’or en 2021, rêve d’aventure, dans le plus grand respect de la nature sauvage. Il embarque alors ses amis Matteo della Bordella, Silvan Schupbach et Alex Gammeter, pour un trip en autonomie totale à travers les fjords du Groenland. Un voyage de 35 jours pour parcourir plus de 450 km en Kayak le long de la côte Est de l’île. Mais les conditions météos se révèlent capricieuses et la progression des trois copains compliquée : “d’abord la glace qui nous a empêché de traverser plusieurs zones puis les tempêtes que nous avons subis et enfin la neige, normalement rare à cette période de l’année, nous a surpris à plusieurs reprises …” Chaque jour apporte son lot de surprises, bonnes ou mauvaises, mais l’objectif demeure inchangé : “atteindre « by fair means » le fjord de Skjoldungen, où nous visons une paroi vierge sur la montagne méconnue de Drøneren.”
Une véritable odyssée qui nous a fait penser à celle d’Ulysse dans le passé
La grimpe en ligne de mire
À l’aube du samedi 3 août et après 10 jours de traversée intense, l’équipe arrive à destination : “maintenant place au repérage des lieux et au choix de la ligne que nous aimerions grimper. Le mur que nous visons semble vraiment long peut-être entre 1200 et 1400 m mais quelques vires se dessinent, plutôt rassurants au vu du matériel que nous avons. Nous prévoyons environ 6/7 jours de grimpe si la météo tient bon.” Cependant, les conditions se dégradent rapidement : “ces deux derniers jours, c’est la neige qui s’est invitée aux alentours de 800/1000m, mettant notre patience à rude épreuve."
de superbes passages alternant fissures rectilignes et dalles techniques
Le 26e jour de l’expédition signe enfin l'accomplissement tant attendu de leur objectif. Après trois tentatives avortées à cause de la météo, les conditions sont cette fois idéales, malgré un froid toujours mordant qui a rendu les bivouacs difficiles. La veille, après 35 longueurs, Symon et ses compagnons de cordées atteignent le sommet de cette paroi vierge de 1200 mètres : “sûrement la plus belle vue qu’on ai eu l’occasion d’observer entre Océan et Banquise qui s’étendent vers l’infini. C’est l’anniversaire de Silvan et nous rentrons au camp avec un beau cadeau, notre objectif atteint.”
Les kayaks sont chargés, le camp démonté, lorsqu'une rencontre familière se produit, comme un au-revoir du véritable maître des lieux : “Il y a deux semaines, nous avons vu une première fois un ours polaire autour du camp, lorsque nous préparions nos kayaks au retour, il est réapparu.” Malgré la fatigue certaine, il est temps de reprendre la navigation, la fin du périple approche.
Lundi 26 août 2024, Symon écrit : “J’aime cet état, usé, fatigué, seul une petite brise nous sort de nos pensées, déjà mélancolique d’une liberté éphémère.” Le spleen d’avoir vécu pleinement une expérience qui nous a profondément transformés à jamais, tant sur le plan sportif que personnel.
Déjà mélancolique d’une liberté éphémère, le retour à la norme est comme un choc, mettre des mots sur les images, s’efforcer de raconter
La fin
Mercredi 28, jour 35.
“Je me suis payé un pack de bières au Duty free de Reykjavik. Je le sirote tranquillou dans l’avion qui m’emmène à Lyon via Vienne.
Relâché.
Mes pensées s'émoustillent à mesure que les canettes disparaissent.
La mélancolie m'envahit.
Souvenir d’une beauté passée, quête de liberté.
Je trie les images de notre voyage, chacune ramène à une sensation plus qu’à un souvenir.
Un inconfort qui paraissait désagréable devient aujourd’hui un manque.
Donner un sens.
Grimper , pagayer, certes. Mais que cherche t-on par là-bas ?
Pourquoi se différencier, chercher l’inconnu, le danger, la peur.
Se sentir vivre.
J’en prends une dernière et j’arrête. Promis.”
Récit de Symon Welfringer, édité par Eloïse Picard.