Publié le 14 juin 2023
Johanne Defay : « Je me revois petite à regarder les JO à la télé, les étoiles plein les yeux »
Crédit photo : Brent Bielmann

Johanne Defay : « Je me revois petite à regarder les JO à la télé, les étoiles plein les yeux »

Johanne Defay, des plages de la Réunion jusqu'au bout du monde
SPORTS NAUTIQUES
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Interview, Surf, Portrait

Des premiers barbotages dans l’écume des bords de plage aux anneaux olympiques, il y a eu de nombreuses vagues. D’île en île, de compétition en compétition, Johanne Defay trouve son équilibre dans le creux de la vague. Une vie qui déferle sur l’horizon… Quand elle ne surfe pas, elle s’entraîne pour surfer, elle marche, elle court, elle nage pour surfer, elle se repose pour surfer, elle prend le temps de ne pas surfer pour surfer… La tête dans l’eau et les pieds sur terre, elle vie au rythme des vagues, de voyage en voyage, de compétition en compétition, toujours entourée de ses proches, un ancrage indispensable dans cette vie aux quatre coins du monde. Portrait d’une jeune femme portée par la houle. 

Crédit photo : © Tony Heff

L’écume des jours

« Il n’y a pas eu de déclic, il n’y a pas eu de révélation. C’était naturel. »

Quand Johanne Defay monte pour la première fois sur une planche de surf sur les vagues de l’Étang-Salé à la Réunion, c’est une évidence. Une étape logique dans son évolution, comme un bébé passe de la position à quatre pattes à debout, Johanne est passée du barbotage dans le rouleau des vagues, au bodyboard, puis du bodyboard au surf. À force de jouer dans les vagues, leurs va-et-vient étaient devenus un bruit de fond et leurs symphonies, un air familier… Il était alors facile de s’accorder dans cette mélodie marine.

J’ai fait ce choix, un choix naturel, d’avoir mes proches à mes côtés.

« Je passais mon temps sur la plage avec mes parents, j’ai grandi les fesses dans l’eau, à jouer et à regarder les surfeurs se lever sur la vague. J’avais déjà cette sensation de glisse et une idée du rythme pour être dans le bon tempo avec la vague. »

Depuis ce premier jour debout sur la planche, il n’y a plus eu un jour où elle n’a pas eu l’envie d’aller à l’eau. Avant tout objectif de progression, de carrière ou de médailles, il y a toujours eu l’envie d’être au bon moment et au bon endroit sur la vague.

« Mon parcours est une continuité de choix au fur et à mesure des jours. Je sentais simplement que j’avais envie d’aller à l’eau, d’aller surfer et de m’entraîner. J’ai l’impression que je ne me suis même jamais posé la question de savoir si j’avais envie de faire ça toute ma vie…. J’avais juste l’envie de faire ça chaque matin et c’est toujours le cas aujourd’hui, donc il y a de fortes chances pour que je fasse du surf toute ma vie ! » 

Il y a les sensations, cette harmonie indescriptible avec les éléments, un sentiment grisant et envoûtant et il y a le décor ; la vie de surfeur, toujours en voyage, les yeux dans le bleu des océans… Adolescente, Johanne Defay se laisse rêver à cette vie et aspire à devenir elle aussi « une athlète » au-delà de la carte postale.

« Quand je regardais les pros surfer, il y avait à la fois la force sur la planche et un mental, de l’engagement et une confiance qui m’inspiraient. »

Vient alors le temps des premières compétitions, d’abord au Pôle espoir de La Réunion avec son entraîneur de l’époque Christophe Mulquin, avant de rejoindre le Pôle France à Bayonne. Elle décroche son premier titre de championne d’Europe junior en 2009, entre sur WQS (World Qualifying Series) en 2013 et dans l’élite du surf l’année suivante en se qualifiant sur le CT (Championship Tour), le début d’une longue histoire qui dure…

Crédit photo : © Damien Poullenot

Un équilibre dans le creux de la vague

Entrée sur le circuit pro en 2014, Johanne n’a jamais quitté le haut du tableau depuis. Les années s’enchaînent entre les étapes du championnat ; entre l’Australie, Hawaii, les îles Fidji, la Californie, l’Afrique du Sud, le Salvador, le Brésil et la côte atlantique européenne et les victoires et podiums s’accumulent. Johanne vit la vie de surfeuse professionnelle dont elle rêvait quelques années plus tôt ! Il y a eu des doutes, bien-sûr, la route n’a pas toujours évidente ; les sponsors pas toujours au rendez-vous et les victoires parfois manquées mais toutes les difficultés de parcours ont été des épreuves enrichissantes et le doute un curseur pour grandir, évoluer et s’épanouir.

« Le doute, ça prouve que l’on est dans la réflexion, la recherche d’objectifs, de projets, d’amélioration… Le doute est constant dans la vie, si on n’a pas de doute, c’est que l’on reste trop centré sur soi et dans sa zone de confort. Je vois le doute comme la peur. Il m’arrive souvent d’avoir peur ; j’ai peur d’aller dans des grosses vagues, j’ai peur parfois d’aller dans l’eau… Mais il y a le courage qui vient ensuite, et prend le dessus. S’il n’y avait pas de peur, il n’y aurait pas de courage.  Le doute, c’est pareil, il est nécessaire pour toujours se remettre en question. S’il n’y a pas de doute, il n’y a pas de bonne décision… » 

Crédit photo : © Matt Dunbar

Dix années sur le CT, dix années à parcourir le monde, dix années ici et là, dix années à s’accrocher à la vague pour aller chercher la prochaine. Johanne a trouvé son équilibre et une stabilité dans cette vie autour du monde. Quand on est surfeur de haut-niveau, il n’est pas question de partir juste pour le week-end…

Les compétitions déterminent son lieu de vie et la houle, le déroulé des semaines. Les « waiting periods » sont généralement d’une dizaine de jours, la durée de voyage pour accéder au spot d’environ deux jours, auxquels il faut rajouter des jours de récupération, suivi de jours de remise à l’eau, soit près de deux semaines passées sur chaque étape et les étapes s’enchaînent !

Dans ce rythme effréné, Johanne peut compter sur son entourage, toujours au plus près d’elle, pour lui donner un point d’ancrage sur chaque océan. Il y a sa famille, bien-sûr, qui l’accompagne depuis ses toutes premières compétitions, il y a aussi les amis qu’elle retrouve sur chaque étape et, il y a un homme. Simon. Son mari et compagnon de voyage, son coach et partenaire d’aventure…

Crédit photo : © Matt Dunbar

« J’ai fait ce choix, un choix naturel, d’avoir mes proches à mes côtés. Ma famille, ma maman et mon papa ne sont jamais bien loin, et aujourd’hui, il y a aussi mon mari, mon récent mari Simon,( nous nous sommes mariés il y a six mois…) C’est à la fois mon conjoint et mon coach, il m’accompagne pour chaque compétition. On se connaît tellement bien, c’est devenu une routine, ça n'a jamais été compliqué ! On a commencé à travailler ensemble sur la préparation mentale, et par la suite, il est devenu mon seul référant : pour la préparation mentale et physique. Il m’a beaucoup aidé à prendre confiance en moi, on avance ensemble, et on apprend ensemble. C’est une force de l’avoir à mes côtés et si jamais, il ne peut pas être là, ma mère ou mon père prennent le relais ! Leurs conseils sont précieux, leur soutien et amour, indispensables. » 

S’il n’y avait pas de peur, il n’y aurait pas de courage.

La blessure

Troisième au classement général la saison dernière, avec une victoire en Indonésie, une seconde place au Brésil et une médaille de bronze au Salvador, Johanne n’avait jamais été aussi en forme et abordait cette nouvelle année sur le tour, motivée comme jamais, avec en ligne de mire, deux objectifs : le titre de championne du monde et une médaille olympique aux jeux de Paris 2024. Mais tout ne se passe pas toujours comme prévu !

Fin 2022, Johanne tombe à l’entraînement et se fracture trois métatarses, l’obligeant à trois semaines d’immobilisation et une rééducation intense pour retrouver toute la mobilité du pied. Face à cette mésaventure, Johanne, comme à son habitude, reste positive et prend les choses du bon côté !

Pour commencer, c’est sa première grosse blessure en plus de dix ans sur le circuit professionnel, chose rare dans le sport de haut-niveau ! Et pour la suite, il faut regarder devant ! Ne pas avoir de frustration, profiter de ce temps de repos et se recentrer sur ses objectifs.

« La blessure est un sacré challenge ! C’est arrivé soudainement, à un moment où j’étais en pleine forme, donc forcément, ce n’était pas évident à digérer au début. Mais, si on ne peut pas dire que c’est arrivé au bon moment, ce n’est pas non plus arrivé au pire moment ! Je n’avais pas l’obligation d’être à 100% de ma forme en début de saison pour valider les échéances suivantes. Étant la seule française sur le World Tour, j’étais déjà assurée d’avoir ma qualification aux JO, et il y a aussi la possibilité d’une « wildcard » pour les athlètes blessés qui ne peuvent pas défendre leur chance sur le CT… Je savais que j’allais bénéficier de tout ça, ce qui m’a permis de déstresser. Les conséquences n’étaient pas aussi graves que ça peut l’être à un autre moment d’une carrière. J’ai donc pris mon mal en patience, ça n’a pas toujours été évident. J’ai l’habitude d’être toujours en mouvement… L’arrêt forcé a été une épreuve à surmonter ! Il a fallu revoir mes habitudes et mon entraînement, pour perdre le moins possible et revenir aussi, voire, plus forte ! » 

Johanne est revenue sur le circuit du championnat du monde au début de mois d’avril dernier en Australie, avec un objectif clair et défini pour la fin de saison : se lâcher et laisser parler ses sensations sur la vague.

« Faire mon surf de freesurf en compétition, je n’ai rien à perdre cette année ! » 

Crédit photo : © Jackson Van Kerk

Objectif Paris 2024

Après une première apparition aux derniers jeux de Tokyo, le surf confirme sa place au programme olympique à Paris en 2024, mais c’est à des milliers de kilomètres de la capitale, sur la mythique vague de Teahupoo à Tahiti que tout va se jouer.

Et c’est à présent officiel, Johanne Defay représentera la France aux jeux de Paris 2024 ! Un rêve inespéré !

« Moi qui rêvais d’une vie d’athlète ! Je me revois petite à regarder les JO à la télé, les étoiles plein les yeux, je ne pensais pas pouvoir vivre ça dans ma carrière et qui plus est, dans mon pays ! Il y a bien sûr de la fierté de représenter la France, de porter ses couleurs et ses valeurs. Les JO, c’est un rendez-vous au-delà du sport, au-delà de la performance. » 

« L’important c’est de participer » mais la médaille est évidemment dans toutes les têtes des athlètes olympiques, pour tout ce qu’elle représente… 

L’épreuve des JO se joue sur quelques jours pour s’inscrire dans l’histoire. Il faut être au rendez-vous à cet instant précis.

« En termes de surf, en termes de performances, le titre de championne du monde est plus évoquant. Il récompense une régularité, une combativité, une technique sur tous les styles de vague, dans toutes les conditions… Ça veut dire que tu as été la meilleure surfeuse cette année-là. Mais un titre olympique, ça change ta vie ! Ça change ta carrière, ça change ton après-carrière, ça change ton sport dans ton pays, ça change tout ! Alors que tu n’as été la meilleure que sur une journée finalement. » 

Le rendez-vous est lancé ! Les épreuves de surf auront lieu du 27 au 30 juillet 2024 à Tahiti sur le spot de Teahupoo, « une vague envoûtante et terrifiante à la fois, une vague puissante, qu’il faut savoir apprivoiser. »

D’ici là, Johanne et les surfeurs du CT auront une ultime occasion de se challenger sur cette vague lors du SHISEIDO Tahiti Pro du 11 au 20 août prochain. À suivre…. 

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