Publié le 12 septembre 2023
Interview : Casquette Verte, l'ovni de l'ultra-trail, champion des « gens normaux qui courent après le boulot »
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Interview

Interview : Casquette Verte, l'ovni de l'ultra-trail, champion des « gens normaux qui courent après le boulot »

"J'aime échouer puis réussir en trouvant moi-même la solution, ma propre voie."
TRAIL RUNNING
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Trail, Interview

Des Daft Punk, il n’a pas le casque, mais le Rock n’roll. Des super-héros, il n’a pas la cape, mais la casquette. De l’ultra-traileur, il n’a pas l’hygiène de vie, mais la démarche. De Forrest Gump, il n’a pas le barbe, mais le kilométrage, et le vent dans le dos. Du jeune cadre dynamique citadin, il a les semaines, mais pas les mêmes week-ends. Du poil à gratter, il a tous les attributs, et de l’électron, la liberté de ton. « Casquette Verte » est un ultra-phénomène. Un ultra-paradoxe. Un personnage détonnant dans un monde paisible, celui du trail. Un objet emblématique doublé d’un humain avec une texture rare. Un Parisien passionné de montagne. Un ancien flemmard désormais amoureux de l’effort. Un « Monchu » qui court plus de 10 000 km par an, soit près de 30 bornes par jour. Un gars simple qui avale un ultra-trail par mois. Face-à-face positivement bouleversant.

Casquette Verte, l'art de briser les codes

À l’instant où l’on se parle, tu es où, tu fais quoi et qu’est-ce que cela dit de toi ?
Alors, à l’instant où l’on se parle, je suis confortablement installé dans une petite call box d’un mètre sur un mètre, située au 4ème étage du building où siège l’entreprise multinationale pour laquelle je travaille depuis plusieurs années, à Neuilly-sur-Seine. La scène, cocasse, en dit long sur mon quotidien puisque je me suis isolé ici, à l’heure de la pause-déjeuner, afin de te parler d’ultra-trail, en avalant un double-sandwich au saucisson. Je mène une double vie. Je suis un jeune cadre dynamique – le « jeune » entre parenthèses car c’est de moins en moins le cas – le jour, et un ultra-traileur passionné le soir.

Le jour en costume-cravate, la nuit avec des baskets de trail et une casquette verte... Par cette double-vie, tu casses les codes. Avancer en dehors des schémas établis, c’est une volonté, une habitude ou un concours de circonstances ? 
Je ne me lève pas le matin en me disant : ‘Ok ! Voici les schémas établis : je dois aller m’épanouir ailleurs !’... Je n’ai pas la volonté de nager coûte-que-coûte à contre-courant. Je ne suis pas comme cet adolescent qui va adopter un style vestimentaire un peu singulier, simplement par envie d’être différent. Je me retrouve plutôt dans le fait de dessiner mon propre schéma, en respectant tous les autres modèles et en m’inspirant de certains. Le processus se veut assez itératif : j’aime échouer puis réussir en trouvant moi-même la solution, ma propre voie. Il y a ici un vrai parallèle avec ma pratique de l’ultra-trail. Je préfère marche à côté du chemin, sur l’ornière, plutôt que sur le chemin. J’imagine que ce serait plus simple, plus facile, moins fatiguant, mais j’aime l’idée de prendre parfois des raccourcis et à d’autres moments des rallonges...

Je n’étais pas programmé pour ce qui m’arrive. Cette lumière soudaine m’est un peu tombée dessus.

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Lorsque l’on marche à côté du chemin, lorsque l’on ne fait pas comme tout le monde, forcément, on attire les regards. Cela te plait cette lumière ?
Je n’étais pas programmé pour ce qui m’arrive. Cette lumière soudaine m’est un peu tombée dessus. En apportant son lot d’avantages et d’inconvénients. Néanmoins, je dois admettre quelque chose : j’ai toujours aimé briller. Or pour briller, tu n’as pas besoin d’être le meilleur : il suffit de surprendre, d’être légèrement différent que les autres. Je me construis comme ça : en cultivant ma singularité. 

Comment Casquette Verte est-il tombé amoureux de la course à pied, du trail et de l'ultra-trail

Remontons quelques kilomètres en amont. Raconte-nous ta découverte de la course à pied. Peut-on parler de coup de foudre instantané ?
Absolument pas ! La course à pied et moi, c’est loin d’être un vaudeville à l’eau de rose. Et encore moins un coup de foudre. Au début, ça a même été un laborieux ‘Je t’aime, moi non plus’. J’ai découvert ce sport en 2014. À cette même machine à café où je continue de m’abreuver tous les matins. À l’époque, je sortais de 5 années d’école de commerce, où j’avais été président du BDE (Bureau Des Élèves). Je pesais 25 kilos de plus qu’actuellement, je fumais plus d’un paquet de clopes par jour et sans dire que je buvais beaucoup, je buvais bien.

Je passe 97% de mon temps à courir sur des trottoirs parisiens que certains affilient à leur définition du moche. Moi, je trouve ça beau.

Donc, à cette fameuse machine à café, l’un de mes collègues, qui deviendra par la suite un ami et même mon boss, me raconte les 20 km qu’il s’est enfilés ce week-end en guise de prépa pour les 80 km de la SaintéLyon. Déjà, je n’y croyais pas, car pour moi, la course à pied s’arrêtait au marathon. Mais il a su piquer ma curiosité. Donc j’ai enfilé pour la première fois mes baskets, dans le bois de Vincennes. Je détestais ça. Mes sorties les plus longues n’excédaient pas 2 à 3 km. 

Et comment passe-t-on d’une aversion pour la course à pied à un amour véritable pour l’ultra-trail ? Y-a-t-il eu une révélation, un moment déclencheur ? 
Mon pote a dû voir la lueur dans mes yeux. Donc il a persévéré, m’a encouragé. De fil en aiguille, j’ai suivi le schéma classique du parisien qui débute et grimpe les échelons : 10 km, Semi-marathon de Paris puis marathon de Paris. Mon pote continue, il me pousse.
Finalement, je m’inscris à la SaintéLyon en 2015. Un 80 km qui pour moi ressemblait à un ultra – je découvrirais plus tard l’existence d’abominations bien pires encore de type Diagonale des Fous ou UTMB. Cette nuit-là, au bout de 50 km de course, je marche, lessivé. Je me demande ce que je fous là. Puis quelques kilomètres plus loin, je me surprends à recourir, à retrottiner. J’ai alors découvert un truc incroyable : ça s’appelle la pain cave, un no man’s land, un endroit fait de douleurs, de joie et de dépassement de soi où tu explores tes limites. Là, j’ai eu le coup de foudre !

En rentrant, le lendemain, j’étais heureux : physiquement, car repu, rincé ; et socialement, puisque j’avais moi aussi quelque chose à raconter à la machine à café. Le lendemain, je m’inscris à la CCC, le 100 km de l’UTMB, et quelques jours après, au retour d’un apéro, un peu éméché, je me prends un dossard pour la Diagonale des Fous. 

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Tu cours désormais prêt d’un ultra-trail tous les mois. Qu’est-ce qui t’a profondément plu dans cette discipline ?  
Ce que j’aime, c’est qu’à chaque ultra, je me prends une immense claque dans la gueule. Je me découvre un peu plus. Je suis remis à ma place. Je crois que c’est le principe même de l’ultra-endurance : t’inviter sur des chemins intérieurs où jamais tu n’irais par toi-même... 

Dans l’imaginaire collectif, on associe le trail à la montagne, à des paysages magnifiques, à des moments très contemplatifs. Toi, tu pratiques et performes l’ultra-trail en vivant à Paris, et tu l’assumes... 
En préambule, je pars du principe que le trail, ce n’est pas un endroit, mais un état d’esprit et une communauté. Il s’agit de courir sur son chemin, parfois en dehors des sentiers battus. Ce que je vais dire s’avère ingrat pour ces formidables organisateurs de courses qui se plient en 4 pour nous faire passer par des itinéraires exceptionnels et nous confronter à la beauté de la nature, mais, même si je trouve cela cool, c’est secondaire pour moi. Je passe 97% de mon temps à courir sur des trottoirs parisiens que certains affilient à leur définition du moche. Moi, je trouve ça beau.

J’aime passer en quelques minutes d’un endroit très populaire à cette scène du mec qui range ses clubs de golf dans le coffre de sa Lamborghini. C’est un focus très anthropologique, mais du coup, grâce à mes baskets, j’ai l’impression de faire le tour du monde. (Un temps de réflexion) En fait, je crois que je passe plus de temps à regarder ce qu’il se passe à l’intérieur de moi plutôt que ce qui se déroule à l’extérieur. Pour moi, l’ultra-trail, c’est plus une contemplation intérieure qu’extérieure... 

Traileur infatigable

Au-delà de ce « pourquoi tu cours », tu détonnes également par ton « comment tu cours ». Tu cours beaucoup (beaucoup). Peux-tu rapidement nous décrire la façon dont tu structures ta pratique ?  
Je découpe ma pratique en 2. Il y a les courses et le hors-course. Globalement, je participe à un ultra-trail par mois. Je calibre tout cela en début d’année, je me les fixe par avance, en les considérant comme des rendez-vous. Entre ces rendez-vous, je m’entretiens, sans forcément chercher à progresser, car j’estime avoir atteint le niveau qui me permet de prendre du plaisir le jour J, celui du dossard. Je cours donc énormément, à la sensation, 30 km par jour en moyenne. Je ne m’entraine pas, je cours. Pas pour devenir meilleur, juste parce que j’aime ça. Parce que c’est aussi un super moyen de locomotion quand tu habites à Paris. 

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Aujourd’hui, tes résultats se rapprochent petit à petit des coureurs élites, ceux qui trustent des top 10 sur les plus grands ultra-trails du monde, tout en te gardant à distance respectable. N’as-tu jamais été traversé par le désir d’un entraînement plus poussé, plus structuré, qui te permettrait d’aller boxer dans leur catégorie ?

Non (Catégorique). Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je me suis vite rendu compte que je n’avais pas ce qu’il fallait pour atteindre le top 5 de l’UTMB. Ni le mode de vie, ni l’envie de faire les sacrifices nécessaires, ni peut-être les qualités physiologiques.

Ce qui me botte en revanche, c’est de faire top 20 en continuant à m’éclater ! Je me répète mais j’ai aujourd’hui atteint un niveau qui me permet de me faire véritablement plaisir. Je préfère kiffer tous les jours que d’essayer de progresser en risquant de me blesser. Je ne vais d’ailleurs jamais dans la zone rouge au quotidien, je déteste ça. Même lors des séances de groupe, lorsque les copains partent sur un fractionné, je préfère trottiner à côté. La fameuse pain cave, je la préfère durant un temps long, tous les mois, lors des courses, que sur un temps court, lors d’un effort intensif, régulièrement. Entraînements faciles, course difficile (Clin d’œil) ! 

J’aurais pu être ‘Casquette Bleue’ ou ‘Casquette Rouge’...

L’un des éléments les plus marquants – qui peut choquer – c’est ton obstination à courir, même lorsque tu es blessé. Tu ne t’arrêtes jamais. Ou presque. Quel rapport entretiens-tu à la douleur ?
Moi, la douleur, j’adore ça ! Pas uniquement la délivrance de la ligne d’arrivée, proportionnelle à la douleur que tu as éprouvée avant, mais aussi celle que tu ressens pendant, au présent. Dire que je ne me blesse jamais, c’est faux. J’ai des tensions, des gênes. En revanche, grâce à un seuil de résistance à la douleur assez élevé et avec l’expérience, la connaissance de mon corps, j’arrive à les faire passer. En serrant les dents. 

Quelle est ta dernière longue pause sans courir ? Comment l’as-tu vécue ? 
La dernière fois, c’était en 2019, à l’issue d’une fracture du gros orteil survenue au 50ème km de l’UTMB, que j’avais difficilement trainé jusqu’au 120ème km. Là, j’avais dû me résoudre à abandonner. Pour la première fois. Je l’ai très mal vécu. J’ai pris 6 kilos en 2 semaines. Dès que j’ai eu le feu vert du chirurgien pour reprendre « tranquillement » le vélo, je suis allé acheter un VTC et le lendemain, je parcourais 250 km. Depuis, je crois que je ne me suis pas arrêté plus de 2 ou 3 jours consécutifs. La dernière fois à l’UTMB, l’été dernier. ‘Pour faire du jus’. Au départ, j’étais comme un lion en cage. 

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D'où vient le nom « Casquette verte » ?

Je te propose de revenir à nouveau aux prémices. Pourquoi « Casquette verte » ?
En école de commerce, j’avais pour mission, en tant que Président du BDE, d’organiser le ‘week-end d’intégration’ des premières années. Pour faciliter le trajet, on leur attribuait à chacun un bus d’une couleur ainsi qu’une casquette. Tous les lots étaient alors stockés dans la cave de mes parents. Or quand j’ai commencé à courir, dans mon imaginaire, il me fallait une casquette. Pour moi, ‘course à pied = casquette’ ! Génération Forrest Gump quoi ! Donc j’ai pris la première qui me venait sous la main, celle qui dépassait du carton devant moi. Elle était verte. J’aurais pu être ‘Casquette Bleue’ ou ‘Casquette Rouge’...

Puis, j’ai entrepris de raconter ma découverte de ce sport, à mes grands-parents, via des comptes-rendus que j’écrivais et publiais sur un blog. Les gens s’y sont retrouvés. Petit à petit, j’ai eu des retours très positifs, des personnes qui me répondaient pour me remercier de leur avoir donné l’envie de franchir le pas... Naturellement, ils m’appelaient ‘Casquette Verte’ puisque je publiais peu de photos de moi. C’est ainsi que ça a démarré. Rien n’était programmé. D’ailleurs, il n’y a toujours pas de plan. 

Il y a une vraie « hype » autour de toi... Pardon, « hype » n’est peut-être pas le bon mot car cela sous-entend que « l’effet de tendance » du phénomène « Casquette Verte » toucherait bientôt à sa fin !
Si si, je suis en phase avec ce terme ! C’est une « hype ». D’ailleurs, j’ai prévu de tuer un jour ‘Casquette Verte’. Un peu comme les Daft Punk, lorsqu’ils annoncent la fin du duo via cette énigmatique vidéo où leurs casques explosent dans le désert. (Un temps de réflexion à nouveau) Peut-être pas le tuer, mais ouvrir un nouveau chapitre. En finir avec ce personnage parisien arrogant qui peut déranger et me servir de la notoriété acquise pour mener d’autres projets, qui servent le bien commun.

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Ok ! Disons donc que « Casquette Verte » est une hype. Comment tu l’expliques ? Pourquoi ça a fonctionné ? 
Un mec qui te montre qu’en faisant différemment, on peut presque y arriver, cela touche les gens. D’ailleurs, ça les touche plus que si j’entrais dans un silo classique de performance. Je trouve ça plutôt logique et amusant. 

Mais comment tu expliques l’ampleur et la vitesse du phénomène 
Le trail est une discipline en pleine croissance. Ceux qui font exploser la discipline, ce sont les citadins. Ceux qui vivent dans les villes mais rêvent de montagne. Forcément un petit parisien qui commence à se faire un nom, ça leur évoque quelque chose : ils s’identifient beaucoup plus facilement à ma démarche qu’à celle d’un athlète élite qui vit toute l’année dans les Alpes. Je pense qu’ils se sentent proches de ce que je véhicule car je raconte ce qu’ils vivent au quotidien. D’une certaine manière, je suis le parfait produit, le prototype, de ces néo-passionnés qui ont fait grandir le trail. 

C’est horrible à dire, mais à l’arrivée d’une course, je veux ne devoir dire ‘Merci’ à personne d’autre que moi.

On ressent un kiff profond par rapport à ce qu’il t’arrive actuellement... 
Je me sens privilégié, oui ! Je ressens une grande bienveillance et un vrai soutien de la part de 99% des gens que je croise. Plus que soutenu, je suis même supporté. Si je fais référence au foot, j’ai l’impression d’être le ‘petit poucet’ de la Coupe de France. Le club de Chambly, de Calais... Tu sais, cette équipe amatrice que le peuple veut voir triompher des mastodontes. D’autant plus que chaque année, je participe à ma Coupe du monde, l’UTMB, auprès des cadors de la discipline : Kilian Jornet, Jim Walmsley... C’est le seul sport de la planète qui offre une telle proximité avec ses grands champions. C’est comme si je tapais dans le ballon avec un autre Kylian, Mbappé. Parfois, je me pose, je constate et une question surgit : depuis cette discussion à la machine à café avec mon pote, comment ça a pu partir en couilles à ce point ? (Sourire)  

Cette notoriété soudaine, pour laquelle tu n’étais pas programmé, comment la vis-tu ? 
Extrêmement bien. Ce que j’aime profondément dans la vie, c’est être surpris. Or, grâce à ‘Casquette Verte’, il m’arrive quotidiennement des choses que je n’aurais pas pu prévoir. Je vais de surprise en surprise. Aujourd’hui, j’ai assez de recul pour admettre que j’ai une personnalité avec beaucoup d’ego, une humilité que je qualifierais de toute relative et une démarche plutôt individualiste, donc cette « hype » que tu décris, c’est ma manière de partager, d’être généreux à ma manière, d’une manière qui me rend heureux. 

Raconte-nous un moment intense de partage que t’a offert ce succès ? 
Le plus beau, c’est lorsque je croise le regard d’un enfant au bord d’un chemin et que je lui claque la main d’un grand high five. Pourquoi ? Car les gamins, ils ne sont pas pervertis par le marketing, ils n’ont pas vu mes posts sur les réseaux sociaux. Ils ont une approche extrêmement pure. Ils me voient comme le petit super héros de la course à pied. Sauf qu’à défaut d’une cape, je porte une casquette. Ça leur évoque quelque chose de très simple : ‘Tiens, Casquette Verte, il court, il ne gagne pas toujours, mais il a l’air de s’éclater. J’ai envie de faire comme lui, sans me prendre la tête.’ J’aimerais avoir le pouvoir de Kylian Mbappé et mettre des étoiles dans les yeux de tous les enfants que je croise. Pas forcément pour les inciter à courir, mais à se chercher et se découvrir une passion, un moteur... 

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Une personnalité clivante...

99% des gens te soutiennent. Qui compose le 1% restant ? Ce kilométrage extrêmement copieux et cette personnalité très rock n’roll ont provoqué des réactions parfois virulentes dans le milieu, notamment de la part de certains coachs et athlètes qui prônent depuis des années une méthode structurée, une approche progressive... Comment appréhendes-tu ces critiques ? 
Au début, je ne les ai pas comprises. J’arrive dans un sport qui prône la liberté et la tolérance, où l’on ne fait que me parler de ‘belles valeurs’ et ‘d’esprit trail’, et en même temps, je me fais tirer dessus au bazooka.
Les retours, durs, parfois violents, ne représentent qu’une infime minorité des vagues de bienveillance que je reçois, mais bizarrement, c’est ceux qui te touchent le plus. Dans les prémices, il a donc fallu faire preuve d’un peu de résistance face au vent. Désormais, j’ai aussi mis de l’eau dans mon vin. Je suis peut-être moins fougueux également. J’essaye de comprendre plutôt que de contre-attaquer.
Avec le recul, je conçois que je puisse déranger, que certains n’apprécient pas le guignol qui vient renverser les quilles et qui en plus tire la langue. 

On dirait que, d’une certaine manière, tu prends plaisir à être clivant. 
Non (Catégorique) ! Je ne cherche pas à être clivant. Je le subis. Je fais le truc à ma sauce, et ma sauce ne plait pas à tout le monde... Je ne suis pas un gourou. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal avec le mot ‘inspirer’. Ce n’est pas mon objectif. C’est prendre les gens pour des imbéciles que de croire qu’ils vont du jour au lendemain copier mon kilométrage et enchaîner les ultras. Ils ont tous beaucoup de recul. Ce qu’ils apprécient, je crois, c’est plutôt que je les incite à faire différemment, à suivre leur propre chemin. 

Comment tu te protèges de ces critiques, parfois virulentes, et de cette face un peu plus sombre des réseaux sociaux ?
Je réponds, toujours. Enfin, dans la mesure de mon possible. Quand la critique est pertinente dans le fond et respectueuse dans la forme, je trouve même l’exercice de réponse extrêmement intéressant car il te pousse dans les retranchements de ta réflexion. J’aime ces joutes verbales. J’essaye de les mener avec humour et panache. Ça offre un petit côté ‘Cyrano de Bergerac’ très sympathique au duel. Quand c’est trop violent en revanche, je réplique au bazooka.

Depuis cette discussion à la machine à café avec mon pote, comment ça a pu partir en couilles à ce point ?

Aujourd’hui, avec ton niveau de notoriété et ta visibilité, tu pourrais vivre confortablement de ta passion pour l’ultra-trail. Pourquoi ne pas avoir fait ce choix ? Pourquoi conserver ce mode de vie effréné de jeune cadre dynamique parisien, avec un métier à temps plein ? 
Pour deux raisons extrêmement claires. La première, c’est que je souhaite du plus profond de mon être que le trail demeure une passion, un plaisir, pas un métier. Cette âme d’enfant et ce kiff, ce sont mes biens les plus précieux. La seconde raison, c’est que je désire n’être redevable de personne. Ma liberté et mon indépendance sont des ressources que je chéris. Pour moi, ces valeurs constituent le socle du fameux ‘esprit trail’. C’est horrible à dire, mais à l’arrivée d’une course, je veux ne devoir dire ‘Merci’ à personne d’autre que moi. (Un temps de réflexion) À plusieurs occasions, on m’a proposé de commercialiser ‘Casquette Verte’, de faire des goodies. J’ai toujours refusé. Je ne veux pas le faire pour de mauvaises raisons : c’est-à-dire faire du fric... 

Pour conclure - et promis, ce n’est pas cette dernière montée annoncée par le bénévole bienveillant alors qu’il en reste encore 3 - une ultime question : comment ton entourage vit le phénomène « Casquette Verte » ?
Mes proches, c’est comme mon métier, ils contribuent à cet équilibre qui me rend heureux, ils m’extirpent du trail, m’offrent des opportunités d’épanouissement au-delà de ma passion. Ma famille me soutient, mais je ne sais pas si elle me comprend. Ma mère est contente lorsque je réussis une course, mais ce qui l’intéresse fondamentalement, c’est de savoir si j’ai pensé à prendre le pain pour le déjeuner dominical ! 

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