Publié le 18 janvier 2022
Matthias Giraud

Matthias Giraud

Skieur, grimpeur, parachutiste et base-jumper
EXTRÊME, ESCALADE ALPINISME
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ALPINISME, Base Jump

Texte Mathilde Boulesteix

Skieur, grimpeur, parachutiste et base-jumper, Matthias Giraud a fait le choix de conquérir la vie. À 38 ans,  et des milliers de sauts derrière lui, le Super Frenchie continue de s'accomplir sans peur ni reproche, il vit pour vivre, tout simplement...

Montagnard d'adoption, montagnard par passion !

Crédit photo : ©Nicolas Deporte

Né en Normandie, d'un père aveyronnais et d'une mère hollandaise, rien ne semblait destiner le jeune Matthias à devenir un skieur professionnel et un montagnard chevronné. S'il découvre les joies de la glisse dès ses 18 mois sur les pistes de Saint-Gervais où ses parents ont un chalet familial, la montagne est à l'époque une parenthèse enchantée qui s’étend sur le temps des vacances. « J'étais un touriste à la base ». Après des premières années normandes, sa famille déménage dans le sud de la France, à Avignon. Du haut du rocher des Doms, le sommet du Mont Ventoux au loin annonce le début des Alpes et replonge le petit Matthias dans ses rêves de montagne... Loin d'être dépourvu, quand la bise fait son œuvre, durant l'hiver, il prend chaque week-end la route pour les sommets alpins avec le ski club de Nîmes. « Je prenais le bus le vendredi soir à minuit, j'arrivais tôt le samedi matin, je faisais des compétitions tout le week-end et je rentrais pour aller en cours le lundi matin. C'était compliqué, mais c'était la seule façon de vivre ma passion. » Son désir de montagne et de vie perchée grandit de jour en jour et plonge dans l'ombre le soleil provençal et le chant des cigales. 

L'objectif est clair : vivre son rêve, vivre du ski ! Grâce à ses bons résultats en compétition, il peut intégrer la classe ski de Saint-Nicolas-de-Véroce. Il emménage alors chez des amis de la famille, Denise et Marcel Pezet, à Saint-Gervais pour poursuivre sa scolarité au pied du Mont-Blanc et skis aux pieds... « C'est devenu ma famille d'adoption. Ils m'ont pris sous leur aile et permis de vivre ma passion. C'est à ce moment-là que j'ai vraiment pu me construire en tant que skieur. Je savais que j'avais des lacunes par rapport aux enfants de la montagne, donc je m'entraînais deux fois plus pour rattraper mon retard. J'étais dans deux ski-clubs, celui de Saint-Gervais et celui de Saint-Nicolas. À l'intersaison, je continuais à aller en montagne pour m'entraîner, j'allais faire du VTT, j'allais faire de l'escalade, j'ai découvert la montagne à 360 degrés et tous les possibles... ». Skieur, il apprécie particulièrement le géant pour sa « fluidité », mais voit la montagne et le ski au-delà des piquets, il veut passer partout ! C'est notamment son entraîneur de l'époque, Pascal Jacquemoud, qui lui ouvre les yeux sur le ski et lui donne le goût de l'aventure. 

 

Crédit photo : ©DR

« Pascal avait une approche du ski assez farfelue ! Il nous mettait des portes dans un champ de bosses, il fallait prendre 30 mètres d'élan en poussant sur les bâtons et ses skis trois fois, avant de faire le premier virage et prendre la première porte ! Après, on avait un saut obligatoire dans une sorte de goulet avec nos skis de géant qui devait faire 1m93 à l'époque ! En fait, il avait une approche très freeride du ski. Il voulait vraiment nous apprendre à tenir sur nos skis quelles que soient les conditions et skier le plus vite possible. C'était du ski complet. C'était le ski que je voulais faire. Rider toute la montagne avec un style de géant. Rider vite et fluide. Faire du freeride ! »

Le bac en poche, il poursuit ses études en école de commerce à Lyon pour se donner une autre option et rentrer dans le monde du ski professionnellement. « C'était l'école la plus proche des montagnes, mon but, c'était de bosser dans le milieu du ski d'une manière ou d'une autre ! ». En parallèle de ses études de commerce, il passe son monitorat de ski et commence à enseigner à Saint-Gervais pendant les week-ends et les vacances avant de s'envoler outre-Atlantique pour poursuivre ses études et le début de sa carrière de skieur professionnel... 

C'était du ski complet. C'était le ski que je voulais faire. Rider toute la montagne avec un style de géant. Rider vite et fluide. Faire du freeride !

Crédit photo : ©Orazio Guarnieri

Le rêve américain

Crédit photo : ©Aidan Bolger

Étudiant dans le Colorado, au sud du massif des rocheuses, Matthias Giraud découvre l' « American way of life ». Étudiant la semaine, employé de la station locale le week-end et skieur dès qu'il peut, il se fait rapidement remarquer sur les compétitions de freeride et s'ouvre les portes du ski de haut niveau. « En trois mois, j'étais sponsorisé de la tête aux pieds, tout en faisant mes études de commerce ! Tout se mettait doucement en place. En quatre ans, tout s'est accéléré vers mon rêve de devenir pro-rider. » Entre les premiers podiums, les premiers voyages sponsorisés et les premières couvertures, Matthias commence alors à toucher son rêve du bout des doigts... 

« Le rêve américain n’arrive que lorsque l’on se donne tous les moyens d'y parvenir ! » 

C'est aussi à cette époque qu'il rencontre Shane McConcket et qu'il commence la chute libre dans le but de se mettre au base-jump et au ski-base. Il en rêvait depuis tout gamin... 

« J'avais 9 ans la première fois que j'ai découvert le base-jump à travers le film Pushing the Limits de Thierry Donard en 1992 avec l'Américain Mark Twight. J'ai vu ce film et ça a été comme un appel... C'était la première fois que je voyais des adultes, « des hommes matures », censés savoir ce qu'ils font, se dédier complètement à leur passion et accepter le risque. Ça faisait complètement sens dans ma tête. 

C'est la célèbre phrase de Jean-Marc Boivin : « la première étape quand on prend un risque, c'est d'accepter le risque. » De voir leur niveau d'acceptation, pour moi, c'était l'inspiration ultime. Ça a été une révélation. C'est devenu mon archétype : vivre pleinement et accepter le risque !.» Le vide, l'air, le ciel sont aussi des rêves de famille... Son grand-père travaillait à l'aéroport d'Orly, son père était parachutiste et aurait pu être pilote de chasse si ses tympans ne lui avaient pas joué des tours, et sa sœur, ingénieure en aéronautique, pilotait déjà des Cessna à 15 ans... « On était une famille très aérienne, je savais dès mon plus jeune âge que j'allais faire du parachute et depuis l'âge de neuf ans, que j'allais faire du base-jump ! » 

Le saut dans le vide, les pierres sur terre...

Le 6 octobre 2007, aux premières heures du jour, il se jette pour la première fois dans le vide depuis le Perrine Bridge dans l'Idaho... « Ça a tout de suite été une sensation assez familière. Je connaissais ce sentiment. Je me sentais super bien. » Il enchaîne neuf sauts dans la même journée avant son premier saut d'une falaise dès le lendemain ! « J'ai tellement passé d'heures sur les skis, à aller vite et à devoir prendre des décisions rapidement, que le base-jump était presque pour moi quelque chose de naturel. » Une vingtaine de sauts plus tard, il réalise son premier saut en ski-base depuis le Mont Hood dans l'Oregon. Il fait alors la une des médias américains, quatre mois seulement après avoir commencé le base-jump... Les couvertures et les sponsors se multiplient : Matthias a réussi ! ll vit de son sport, de ses sports, de sa passion. 

Depuis, il enchaîne les performances et réalisations, certaines font le tour du monde, comme le saut depuis l'Eiger, l'ouverture en ski-base du Cervin ou plus récemment la première au Mont-Blanc. « C'est toujours plus qu'un simple saut. C'est un voyage à travers les montagnes. Toute la préparation en amont, l'attente du moment parfait, toute l'approche, le vol, l'atterrissage, l'analyse et les envies d'après... C'est une approche globale de la montagne qui offre une sensation de plénitude. » 

Vivre jusqu'à la mort

« La mort ne m'aura pas vivant ! » disait Jean Cocteau, Matthias pourrait faire sienne cette exclamation du poète français. Matthias est conscient du risque, il l'accepte, il a en a pourtant déjà fait les frais, mais une vie dans la retenue et la frustration, non merci, très peu pour lui ! 

« C'est une autre dimension de la vie, où l'on peut sentir les contours de notre cadre d'exécution. Vivre au milieu du cadre, ça ne m'intéresse pas, ce n'est pas stimulant, il faut maximiser sa vie. Il y a que deux choses qui comptent dans sa vie : d'avoir une belle vie et d'avoir une belle mort. Si on a les deux, on a gagné. C'est devenu une quête existentielle : ce désir de maximiser sa vie. » 

Dans ses pratiques, le risque rajoute une dimension, mais il n'est jamais un objectif en soi. « Il donne l'amplitude et la valeur de l’exécution. Il définit la marge d'erreur possible ou non. Il permet de planifier le cadre d'exécution. Bien sûr que l'on pense à la mort, comme risque ultime dans nos pratiques, mais est-ce que la mort ne donne pas la valeur à tout dans la vie ?» 

Matthias se veut épicurien face à la mort. Elle est pour lui une fatalité qu'on ne peut combattre. La seule chose que nous pouvons alors faire, c'est de s'accomplir dans la vie.

À ceux qui voient dans le base-jump un appel à la mort, Matthias ose dire qu'il veut au contraire vivre sa vie. C'est ce qu'il aime faire, c'est ce qu'il le rend heureux, c'est dans cet accomplissement que tout prend son sens. « Quand on a cet épanouissement total, on accepte tous les états de la vie. On accepte la douleur, la peur, la perte, le bonheur, la tristesse, la joie, l'amour... Tout trouve sa place. » Il y a donc de la peur, mais elle fait partie du processus, « la peur est notre meilleure amie », elle pousse à la perfection et participe à un état global de plénitude pour l’athlète. « Il faut savoir se nourrir de sa peur. » 

Crédit photo : ©Orazio Guarnieri

Il y a aussi eu des doutes nous confie Matthias, mais le doute, c'est une autre histoire ; il amène à la remise en question, à l'analyse. Le doute est quelque chose qui fait référence à un élément concret. Après son accident en 2013, celui qui l'a plongé dans le coma à quelques jours de la naissance de son fils, Matthias a douté... Il a cherché à comprendre pourquoi les choses avaient tourné ainsi. Le doute fut un test. Afin de savoir s'il était fait pour ça, s’il était prêt à accepter toutes les possibilités. 

« C'est important de se remettre en cause, ça aide à consolider notre désir et surtout à consolider notre vision. On ne peut pas s'engager dans ses pratiques si l'on n'est pas sûr à 100 %, donc c'est important de se poser les bonnes questions. »

Aujourd'hui, Matthias Giraud continue à rêver à de nouveaux vols et à de nouveaux voyages épanouissants sur les sommets. De nouveaux rêves à réaliser pour une vie pleine de richesses et de bonheur. « La plus belle chose que l'on puisse souhaiter à quelqu'un, c'est d'être accompli. Nous avons qu'une seule vie, il faut la vivre pleinement ! » 

« Vivre, c'est faire de son rêve un souvenir. »  a dit l'écrivain Sylvain Tesson, Matthias a encore beaucoup de rêves et déjà beaucoup de souvenirs...

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