Publié le 15 septembre 2018
VINCENT VITTOZ

VINCENT VITTOZ

LE POIDS D'UN HÉRITAGE
SPORTS D'HIVER
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Ski de Fond, Interview

Comment surpasser la perfection ? Comment améliorer l’excellence ? À l’aube de cette saison post-olympique, c’est le défi de Vincent Vittoz, nouvel entraîneur de l’équipe de France masculine de biathlon… et donc de son leader, Martin Fourcade.

 

Vincent, champion du monde de ski de fond en 2005, prend les rennes d’un groupe à succès. Entretien avec un coach qui va conjuguer futur proche au plus-que-parfait pour éviter toute comparaison avec le passé.

Quel est votre état d’esprit à l’approche des premières courses de la saison ?

Serein et confiant, tout en ayant conscience des responsabilités qui me sont confiées et sans trépigner d’impatience quant au fait que cela commence. Je me trouve encore dans cette phase de découverte, où je dois prendre mes marques et continuer d’apprendre au contact de mes athlètes. L’automne qui arrive va être crucial.

C’est un immense challenge qui vous attend…

Oui, très clairement. C’est une chance exceptionnelle que de pouvoir entrainer un des athlètes d’exception du sport français (Martin Fourcade, ndla) mais également un groupe déjà très performant. C’est pour l’équipe dans son ensemble que je suis venu. L’enjeu réside désormais dans leur progression, le fait de gagner en régularité. C’est un superbe défi et une opportunité de m’enrichir personnellement. J’aborde cet hiver avec humilité mais non sans ambition.

Comment se sont déroulés les premiers contacts ?

La préparation est bonne, les premiers contacts ont été très positifs. C’est un groupe qui vit réellement bien ensemble. L’idée est donc dans le maintien de cette dynamique tout en y apportant de la nouveauté. Rien ne sert de tout remettre en question puisque leur niveau de performance prouve que le schéma établi fonctionne. Mon rôle est d’insuffler un vent de fraicheur tout en m’appuyant sur les bases qui ont conduit cette équipe au succès. Et pour le moment, les garçons semblent adhérer.

Pourquoi, aux antipodes du proverbe, changer une équipe qui gagne ?

Cette équipe commence à avoir de l’expérience. Certains sont là depuis longtemps. Les JO constituent souvent le point culminant d’un cycle et marque bien souvent sa fin. Stéphane (Bouthiaux) n’était pas saturé, il aurait pu continuer, mais il a senti et anticipé ce besoin de nouveauté, cette nécessité de casser la routine, de ne pas s’installer dans un certain confort... C’est tout à son honneur. Dans une carrière, la progression et la motivation des coureurs passent par ces changements, que ce soit à l’entrainement ou dans le discours.

J'aime ce qui est précis et méticuleux, car j'ai la conviction qu'à haut niveau, la différence se fait dans les détails.

Concrètement, comment faire souffler ce vent de fraicheur ?

À ce stade de la préparation, je pense que le groupe a noté deux principaux changements. Le premier réside dans la répartition de la charge d’entrainement. Ils travaillent toujours autant que l’année dernière, mais de manière différente, au sens où l’alternance entre les périodes de volume et d’intensité est moindre puisque je leur propose de mener les deux de front, de façon plus équilibrée et linéaire. Le second changement a trait à la planification de la musculation et répond à une demande formulée explicitement par les coureurs à mon arrivée.

Il va être quasiment impossible de faire mieux, non ?

C’est une petite pression et une lourde responsabilité que de prendre la suite de quelque chose qui fonctionne très bien. Je dois faire mes preuves. Mais c’est mon côté un peu inconscient, un peu fou… Je suis un compétiteur, j’aime relever les challenges. J’ai aussi cette chance de ne pas avoir d’objectifs chiffrés, d’obligation de résultats bruts. Je me situe plutôt dans une démarche d’accompagnement des athlètes pour leur permettre de gagner en régularité. C’est là le principal axe d’amélioration que j’ai ciblé : prendre de la densité physique pour être compétitif sur chaque course. Ils ont tout le potentiel pour monter sur le podium à un moment donné de l’hiver. Mais ce que je souhaite, c’est qu’ils soient en mesure de rééditer cette performance chaque week-end pendant 4 mois.

Certains médias vous ont surnommé « l’Ordinateur » pour souligner votre méticulosité. Est-ce un surnom galvaudé ?

C’est un peu exagéré, même s’il est vrai que je suis assez carré. J’aime ce qui est précis et méticuleux, car j’ai la conviction qu’au haut niveau, la différence se fait dans les détails. Le principe de planification me plait, cependant, seule, la construction brute d’un programme ne suffit pas. La gestion de l’humain est primordiale, surtout que nous vivons la moitié de l’année ensemble, au quotidien. Pour être bien sur ses skis, il faut être bien dans sa tête. Mon rôle est donc de générer des émotions positives.

Le fait d’être un ancien athlète de haut niveau influe-t-il sur la « méthode Vittoz » ?

Oui. Déjà, dès que je peux réaliser la séance avec eux, je le fais. A chaud, tu peux saisir des signaux et transmettre des messages qu’il est ensuite impossible de retranscrire en réunion, dans un cadre plus formel. J’aime accompagner mes athlètes sur le terrain, car c’est à cet instant qu’ils se livrent le plus. Aussi, le fait d’avoir été un athlète me permet de déceler de petites choses qui relèvent du vécu, d’interpréter des comportements ou lire des réactions avec plus d’acuité. Par contre, être entraîneur génère beaucoup plus de stress que lorsque tu es coureur, car une fois le départ donné, tu ne maîtrises plus rien : en tant que coach, tu n’es plus le pilote, mais la tour de contrôle.

Une fois le départ donné, tu ne maîtrises plus rien : en tant que coach, tu n'es plus le pilote, mais la tour de contrôle.

Vous êtes champion du monde de ski de fond. Quelle est la principale différence avec le biathlon, une discipline à part ?

Le ski nordique est une grande famille. Nous avons les mêmes bases. J’ai toujours côtoyé des biathlètes, je ne débarque pas de nulle part. Après, en toute honnêteté, je ne pensais pas que le tir impliquait un tel travail de répétition et de finesse au niveau de l’armurerie et des réglages. J’ai ainsi du apprendre à jongler avec cette deuxième discipline qui requiert un volume d’entrainement chronophage. Ma partie ne doit surtout pas prédominer. Cela nécessite de la réflexion, de l’adaptation, et ce challenge me plaît.

Comment entraîne-t-on un champion comme Martin Fourcade au sein d’un groupe ? Y a-t-il un risque qu’il phagocyte l’attention ?

Martin, c’est un super capitaine d’équipe, qui a fait de son entourage un vecteur fondamental de ses performances. Il se sert de ses coéquipiers pour constamment s’améliorer, il les tire vers le haut, car il sait que s’entraîner avec une équipe forte au quotidien lui permet de viser l’excellence. De mon côté, je m’attache à maintenir cette émulation car c’est un formidable levier de progression pour chaque coureur, que ce soit par l’entraide ou la confrontation. En fait, le biathlon est un sport collectif qui devient individuel seulement à l’instant où tu enfiles un dossard. Et encore, avec les relais, cette notion d’équipe tend à devenir encore plus palpable.

 

Texte : Baptiste Chassagne
Photos : Doits réservés

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