Les émotions sont des couleurs, Anthony Castelle est un photographe qui a décidé de les renverser. Quand les sommets du massif du Mont-blanc s’embrasent, il n’est jamais bien loin. Chasseur de lumière arpentant la vallée de Chamonix et ses cimes emblématiques, ses clichés à la colorimétrie assumée révèle une montagne aux spectres hypnotisants.
Salut, Anthony ! Avant de commencer, peux-tu te présenter et me parler de ton histoire avec la photographie ?
Salut, je m’appelle Anthony, j’ai 28 ans et je viens de Paris. J’y ai fait des études en vue de devenir paysagiste, mais le destin en a décidé autrement. La vallée de Chamonix qui fait partie de ma vie depuis mon enfance m’a très vite attirée, car c’est ici que j’ai appris à skier très jeune. Pendant les vacances d’hiver, mes parents et moi venions souvent profiter des divers domaines skiables et des vastes espaces enneigés. Chaque retour à Paris me laissait un goût amer, la montagne me manquait déjà ! Cela fait maintenant sept ans que je vis dans la vallée. Au début, j'ai travaillé dans les remontées mécaniques en tant que saisonnier. J'ai beaucoup pratiqué la randonnée pour découvrir les paysages magnifiques du massif, et la photographie est rapidement devenue ma passion, me permettant d’explorer la montagne dans toute sa splendeur.
En photographie, on parle de patte artistique, tu joues sur la saturation et les contrastes, penses-tu que c’est ta signature ? Qu’est-ce que cela apporte aux clichés ?
Oui, en photographie, il est essentiel d’avoir sa propre signature artistique. Pour ma part, je me distingue par une colorimétrie accentuée dans mes clichés, ce qui apporte une touche de féerie et rend mes photos uniques. Chacun a sa manière de composer et de transmettre une émotion à travers ses instantanés, c’est ça, la photographie !
As-tu des sources d’inspiration ?
Je n’ai pas de source d’inspiration précise. J’admire le travail de nombreux photographes talentueux ici à Chamonix, mais je préfère photographier selon mes envies et ma créativité du moment.
je me distingue par une colorimétrie accentuée dans mes clichés, ce qui apporte une touche de féerie
Est-ce que tu fonctionnes par « règles d’or » ou rituels quand tu captures des paysages ou des athlètes ?
Je n’ai pas de rituel particulier ni de règles strictes. Chaque fois que je capture un paysage ou un athlète, je télécharge presque instantanément la photo sur mon téléphone, peu importe où je me trouve, que ce soit en randonnée ou à ski. Ensuite, je la retouche pour découvrir le résultat, comme un enfant devant ses cadeaux de Noël !
J'apprécie beaucoup ton travail parce que tes photos mettent vraiment en valeur la lumière et les couleurs. Comment fais-tu pour obtenir ce résultat ? Utilises-tu des réglages particuliers ?
J’apprécie particulièrement photographier les levers et couchers de soleil, car ce sont des moments artistiques où
l’on peut jouer avec la lumière, les contrastes et exprimer sa créativité. Mes réglages varient selon l’ambiance, mais je me concentre sur la colorimétrie et la lumière, qui sont pour moi les éléments clés de la post-production.
Pour capturer des couleurs uniques comme celles-ci, il faut être dehors, observer. Quelles heures offrent le meilleur spectacle selon toi ?
Oui c’est important d’observer et d’explorer. Lorsque l’on part en montagne et découvre des panoramas magnifiques, cela nous incite à revenir à des moments précis pour capturer la photo que l’on désire. Récemment, j'ai découvert un endroit secret en moyenne montagne avec une vue plongeante sur le massif du Mont-Blanc. J’y vais régulièrement, non seulement pour photographier, mais aussi pour m’asseoir et admirer la montagne avec passion.
Le massif du Mont-blanc est ton terrain de jeu privilégié, est-ce que tu as un sommet favori ? Pourquoi ?
L’Aiguille Verte m’attire particulièrement, car c’est un sommet emblématique de la vallée, presque infranchissable. On peut y capter une teinte bleu-vert sur l’un de ses versants glacés lorsque le soleil l’éclaire. L’Aiguille du Midi m’offre aussi de superbes images en hiver, lorsque le vent « plâtre » la neige contre les falaises ; c’est magique ! J'apprécie tous les sommets pour leur authenticité et j’aime les voir évoluer au fil des saisons !
Les sommets sont d’ailleurs omniprésents dans ton travail, qu’est-ce que représente la montagne pour toi, en tant que photographe mais aussi dans ta vie en général ?
J’aime beaucoup le massif du Mont-Blanc, dont les sommets sont puissants et vertigineux. Ressentir cette force qu’ils dégagent est un sentiment indescriptible qui vous envahit. La vallée de Chamonix est mon havre de paix; ses montagnes majestueuses dégagent une sérénité impressionnante, ce qui la rend unique et pure. Elle est pour moi source d’énergie et de bien-être.
Quel matériel, appareil et objectifs utilises-tu habituellement ?
Au début, j’utilisais un Canon 2000d ce qui était parfait pour me lancer. Maintenant, je photographie avec un Canon R6, un hybride plein format facile à manier. J’ai trois objectifs qui me permettent d’avoir une plage de focale polyvalente (16mm, 50mm et 100-400mm), ainsi qu’un trépied pour les photos de nuit en longues expositions. J’utilise aussi un drone DJI Mini 3, très léger, pour des prises de vue aériennes.
La vie est ce qui se passe pendant que nous sommes occupés à planifier l'avenir...
Peux-tu me parler de la photographie que nous avons choisie pour en faire la couverture ? Où cette photo a-t-elle été prise ? Peux-tu nous en dire plus sur cette photo ?
Cette image représente l’Aiguille du Goûter au coucher de soleil en mars 2023. Pendant l’hiver, je travaille comme technicien dans un magasin de ski à Chamonix, juste en face des Aiguilles de la vallée. Un soir, alors que je réparais des skis, je suis sorti deux minutes au moment exact du coucher de soleil. J'ai ressenti une ambiance particulière émanant des cimes, comme si le sommet était en feu. J'ai rapidement sorti mon boîtier et capturé une image qui m’a comblé de bonheur pour le reste de la soirée !
Comment opères-tu lors du dérushage de tes photos et de la post-production ? Quels sont les logiciels et les techniques que tu utilises ?
Lors d’un dérushage de shooting, j’utilise mon ordinateur portable et Lightroom d’Adobe, l’un des meilleurs logiciels de retouche, car il est très complet. Étonnamment, je me sens plus à l’aise avec mon téléphone qu’avec mon PC car je me sens plus précis dans la retouche. J’ai plusieurs presets variés qui s’adaptent à tout style de photo, que j’améliore ensuite selon la lumière et l’ambiance du cliché.
Est-ce que tu as une anecdote de shooting ou sur une photo particulière ?
J’ai beaucoup d'anecdotes sur les shootings que je réalise pour des marques de sport. Mais celle qui me vient à l'esprit est une photo avec un parapentiste. Un soir, avec des amis, nous avons rejoint l’Aiguillette des Houches pour manger une fondue, et en sortant, malgré de gros orages menaçants, nous avons pris le risque de monter. Finalement, les orages sont passés devant nous, et au moment où Gaspard, notre parapentiste, a décollé, une ambiance incroyable s’est créée autour de lui. Il ne restait que quelques minutes de lumière, et Gaspard s’est parfaitement positionné devant l’horizon, créant un moment magique, seul au monde face au soleil couchant ! Parfois, le mauvais temps peut offrir des lumières uniques.
Les levers et couchers de soleil sont des moments artistiques où l’on peut jouer avec la lumière et exprimer sa créativité
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes photographes qui souhaitent se lancer ?
Un point essentiel en photographie est de capturer ce qui vous plaît le plus et de vous concentrer dessus ! Il est judicieux de commencer avec un reflex pour apprendre rapidement le triangle de base (obturation, ouverture et ISO). Au début, on n'a pas besoin d’acheter des objectifs coûteux ; ce n’est pas cela qui rendra vos photos plus belles, mais votre regard !
Prenez plus le temps d’admirer les beautés que la nature nous offre… avec vos yeux et non avec le téléphone.
Texte de Eloïse Picard