Publié le 31 mars 2021
MAKATEA VERTICAL ADVENTURE
Crédit photo : Jérémy Bernard

MAKATEA VERTICAL ADVENTURE

L’escalade au secours d’une île du pacifique
ESCALADE ALPINISME
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Escalade, Carnet de Voyage

C’est l’histoire d’une île, en plein milieu de l’Océan pacifique, désertée après des années d’exploitation par l’homme, livrée à elle-même, sans ressources pour survivre. Cette île c’est Makatea, un atoll qui connaît aujourd’hui un nouveau souffle grâce au projet Maewan, porté par 2 passionnés, qui sillonne les mers depuis 4 ans. De cette collaboration entre les habitants et les navigateurs est née une fantastique histoire qui marque le début de la renaissance de ce bout de terre. 

Crédit photo : Jérémy Bernard

Erwann Le Lann et Marion Courtois naviguent depuis 2014 sur leur voilier Maewan IV. Cette véritable plateforme nomade a quitté la France pour 7 années d’expédition aux quatre coins du monde, de l’Arctique à l’Antarctique, en passant par la Pacifique. 

Comment bien vivre ensemble dans un espace aux ressources limitées ?

Dans un monde en profonde mutation, où les peuples perdent peu à peu leur connexion à la nature, son objectif est justement de repositionner l’homme au coeur de son environnement et lui permettre de renouer ce contact en respectant mais aussi en vivant en communion avec ce qui l’entoure. 

Ce sont par des actions éducatives, scientifiques et environnementales que l’équipe agit là où elle pose le pied. Pour cela, les navigateurs s’entourent également d’athlètes de renommée internationale, motivés par l’aventure. C’est ainsi qu’à chaque escale, qu’à chaque étape de ce parcours incroyable, le duo rassemble un équipage aux compétences complémentaires pour s’associer avec les locaux et construire ensemble un projet grâce au langage universel qu’est le sport outdoor. Forts des expériences complémentaires de douze ans d’humanitaire de Marion et de vingt ans de guide de Haute-Montagne et de navigateur d’Erwan, l’association Maewan oeuvre à repositionner l’homme au coeur de son environnement.

Welcome to Makatea !

En 2018, Erwan et Marion débarque à Makatea. Une île unique aux reliefs et à l’histoire singulières. Cet atoll est en fait la partie émergée d’un volcan qui, en s’enfouissant dans la mer s’est recouvert entièrement de coraux, et donc de calcaire. L’île s’est ainsi soulevée puis a de nouveau sombré dans l’eau, subissant 2 stades de calcification successifs. Ensuite, résultats d’un phénomène d’abrasion naturelle, de nombreux puits se sont formés à sa surface, lui donnant cet aspect étonnant. Makatea est aujourd’hui considérée comme l’atoll surélevé le plus haut du monde.

Makatea est aujourd'hui considérée comme l'atoll surélevé le plus haut du monde

Cette évolution de l’environnement a créé, au fil des décennies, un engrais naturel que l’on nomme le phosphate sur ces terres. Leurs aspérités en étaient recouvertes, attisant l’intérêt des hommes qui se sont empressés d’exploiter ce filon. C’est en 1917 que l’extraction du phosphate devient industrielle, provoquant le développement exponentiel de l’île. Construction de structures pour l’exploitation, d’un chemin de fer, d’une ville avec ses commerces, ses hôpitaux, ses églises,  la population de Makatea est multipliée par 100, passant de quelques dizaines d’habitants au début du siècle à environ 3 000 au plus fort de l’exploitation, en 1962. Une utilisation intensive des ressources de l’île qui connaîtra ses limites avec l’apparition de l’énergie nucléaire et plongera ce petit bout de paradis en zone déserte et ses habitants dans un profond désarroi.

Crédit photo : Guillaume Vallot

La renaissance d'une Île

Crédit photo : Jérémy Bernard

À l’arrivée de Maewan, le constat est clair : il faut absolument exploiter le potentiel des falaises de calcaires qui dessinent les contours de cette terre isolée. Et quel meilleur moyen que de le faire par l’escalade?

Après leur rencontre avec les locaux et la pose d’un diagnostic, un projet d’éco-tourisme sportif voit le jour autour de la grimpe. 

« Nous sommes passés ici sur les conseils d’un ami. En découvrant le potentiel unique de Makatea, la motivation d’un groupe de jeunes qui avait fondé son club d’escalade, nous avons décidés, avec eux, de tenter de les accompagner dans leur souhait de développement touristique sportif. »

Six mois après leur première visite, ils reviennent avec une équipe d’une vingtaine de passionnés, grimpeurs, spéléologues, secouristes, responsables pédagogiques et environnementaux, photographes, cadreurs, journalistes pour mettre en place de projet à la fois humain et environnemental. Ainsi, par le biais d’un programme éducatif mené par Maewan auprès des enfants, la population est fédérée autour d’un objectif commun, faire de la destination une option de choix pour les grimpeurs du monde entier. Quatre sites d’escalade seront identifiés, nettoyés et équipés. Les équipes poseront également une via ferrata et une tyrolienne. Ensuite, pour permettre aux habitants de gérer de manière indépendante ces mêmes sites, les athlètes sur place forment les volontaires aux techniques d’encadrement et de sécurité. Ensemble, ils organisent même un évènement pour

diffuser l’information auquel 300 polynésiens participeront. Les prémices d’une renaissance pour Makatea qui a décidément de nombreuses choses à offrir aux grimpeurs du monde entier, suivi de près par l’équipe Maewan.

« De manière général, nous suivons chaque projet accompagné de manière formelle à travers un bilan trimestriel. En réalité, les liens créés sont tellement forts que même après cette année de suivi, nous sommes constamment en contact avec eux sur les projets à venir et le développement de l’île. Aujourd’hui plus d’une centaine de personnes en provenance de Polynésie visitent l’ile chaque mois pour y faire du sport. Le Tahiti nui bateau ferry a même modifié son parcours pour faire une étape à Makatea! Un projet de salle d’escalade à Tahiti est en cours pour constituer un relais local dans la capitale de Polynésie.»

LA PAROLE AUX NAVIGATEURS

Qui sont-ils?

Marion Courtois : Après avoir travaillé 12 ans comme directrice d’ONG dans des contextes de crise, je suis aujourd’hui présidente de l’association Maewan.

Erwan Le Lann : Guide de haute montagne et capitaine du voilier Maewan, j’ai 47 ans et une envie de découverte de notre planète pour mieux la comprendre.

D’où est venue l’idée du projet MAEWAN ?

Tout d’abord, un raz le bol d’être parachuté d’un lieu à un autre en prenant l’avion sans comprendre le climat dans lequel j’arrivais, sans passer par le voyage qui nourrit cette compréhension. Puis, une envie d’aller à la découverte des mers et océans après avoir parcouru les montagnes. J’ai voulu voir ce qu’il y avait derrière l’horizon de la maison familiale en Bretagne.

Pour moi, Maewan, c’est avant tout la possibilité de mettre en lumière nos différences (climatiques, sociales, culturelles) pour qu’elles deviennent une richesse. Ceci dans le but de construire un monde où le bon sens est le pont d’équilibre qui nous permettre de mieux vivre ensemble. C’est l’indépendance grâce au bateau, à notre base nomade. Mais c’est aussi la possibilité d’agir comme un catalyseur répondant aux vrais besoins d’êtres vivants et non d’agendas politiques.

Nous ne voulions pas fabriquer une excuse environnementale, scientifique, citoyenne aant de vivire nous-même l'aventure

Pouvez-vous nous en dire plus sur les étapes du projet ?

Nous sommes partis avec une première idée en tête : Utiliser les sports Outdoor pour aller à la rencontre des endroits les plus reculés de notre planète avec une envie, passer par le Grand Nord, le Grand Sud, la Polynésie, en n’empruntant que des canaux naturels. Nous ne voulions pas fabriquer une excuse environnementale, scientifique, citoyenne avant de vivre nous-mêmes l’aventure et comprendre ce que nous allions pouvoir apprendre de ce voyage. Apres deux années d’aventure à bord d’un voilier de 11 m , nous avons construit les bases de l’association Maewan pour partager notre apprentissage et opérer à notre niveau un début de changement pour un avenir mieux équilibré.

Quel est l’objectif ? 

Trouver le moyen de mieux vivre ensemble dans un espace aux ressources limitées qu’est notre Terre.

Après avoir vogué aux quatre coins de la planète, quel est votre constat ?

Un partage d’espoir et de désarroi. Nous rencontrons en permanence l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, partout, même sur les parties les plus isolées de notre parcours… Mais, nous rencontrons aussi des communautés qui ont su et décidé de se prendre en main, de penser à l’avenir plutôt qu’à leurs profits immédiats. Nous sommes les témoins privilégiés de savoir-faire et savoir-être porteurs d’espoir.

Est-ce que votre vision du monde a changé ? Et vous ? 

Oui bien évidemment. Entre voir le monde à travers un écran et vivre le monde tel qu’il est, il existe une différence de taille. Aujourd’hui, nous avons pris conscience de l’ampleur de l’impact de l’activité humaine sur l’ensemble des autres espèces vivantes, que ce monde qui nous nourrit est limité, épuisable et dans un mauvais état général. Nous savons également que lorsque nous décidons de nous raisonner, nous sommes capable d’une résilience incroyable. Chaque goutte d’eau est importante et a une conséquence qui peut faire la différence.

Entre voir le monde à travers un écran et vivre le monde tel qu'il est, il existe une différence de taille

Qu’est-ce qui vous a le plus choqué lors de votre voyage ?

Ducie Island, un tout petit Atoll du Pacifique Sud, jamais habité par l’homme, très peu de bateaux peuvent s’y arrêter. Elle est l’une des îles les plus reculées que nous ayons touché, à plus de 5000 km du premier continent. C’est un paradis pour les oiseaux, les coraux et les poissons et aujourd’hui, elle est entièrement recouverte de déchets. Il y a aussi la traversée d’un des « gyres de plastique » sur lequel nous avons navigué pendant 2 jours soit 400km, au milieu d’une décharge publique sur l’océan à plus de 2500 km d une côte. Nous avons malheureusement un exemple par lieu que nous avons visité.

Ce qui vous a donné de l’espoir ?

Utupua, une ile de Micronésie qui n avait pas vu d’étrangers depuis plus de dix ans, sans électricité, sans modernité et pourtant d’une conscience étonnante sur les problématiques du future. Ou Rapa iti, l’île la plus Australe de Polynésie qui refuse la construction d’un aéroport pour conserver son mode de vie. Le maire de l’île nous a parlé de deux grandes vallées qu’il préserve pour pouvoir accueillir les futurs réfugiés climatiques des îles des Tuamotu qui se font ensevelir par la montée des eaux. Les habitants du Nord du globe qui chassent, pêchent avec parcimonie. Ils prennent ce dont ils ont besoin, sans jamais de gaspillage et en utilisant toutes les parties des animaux tués. Et encore des centaines d’anecdotes dont nous sommes témoins en permanence.

Quelle est la prochaine étape ? 

Le voilier est aujourd’hui près du Cap Horn à Puerto Williams, la ville la plus au Sud du monde. Nous partons pour mettre à jour l’impact que peut avoir notre consommation régulière de Saumon, une catastrophe dans l’ensemble des fjords de Patagonie pourtant si sauvages… Puis une grosse étape au Brésil jusqu’à la forêt Amazonienne, le poumon de la Terre. 

Les étapes du projet Maewan

2014 – 2017 : • De l’Aber Wrac’h aux portes du Pacifique, premières tempêtes, immersion et expéditions sportives en monde polaire. • Première navigation hivernale jusqu’aux cascades de glaces islandaises, ski freeride, alpinisme et escalade de Big Wall de 1000 m au Groenland, passage du Nord-Ouest, kite-surf en mer de Bering et freeride sur les îles volcaniques Kouriles.

2017 – 2019 : • Du Kamchatka à la Nouvelle-Zélande, autonomie et mise en place de la phase pilote des actions éducatives et environnementales. • Escalade en Tasmanie, base-jump dans les fjords néo-zélandais, highline aux îles Marquises. • Mission de diagnostic et élaboration de la stratégie d’engagement solidaire de Maewan. • Ateliers d’éducation non formelle avec SOS Villages d’enfants en Polynésie française. • Tournage du film sur les déchets d’aluminium en Nouvelle-Zélande.

2019 – 2021 : • Traversée du pacifique jusqu’au Chili ; renforcement des actions éducatives et développement des actions environnementales. • Ouverture d’une centaine de voies d’escalades dans les Tuamotu, kite-surf dans le Pacifique, surf et alpinisme en Patagonie. • Réalisation des ateliers Maewan dans 8 écoles de Polynésie française, Chili et France. • Appui au développement éco-touristique sportif de l’île de Makatea. • Tournage de deux documentaires sur la pêche en Polynésie Française et sur l’impact de nos civilisations.

Olivia Begamaschi

MAKATEA VERTICAL ADVENTURE
Disponible sur la chaîne youtube de Maewan.
• Durée : 30 mn • Réalisation : Guillaume Broust
Production : Maewan • Grimpeurs : Nina Caprez, Charlotte Durif, Marcos Costa, Aymeric Clouet, Jonathan Siegrist, Solenne Piret, Michael Schreiber, Joseph Grierson, Olivier Testa, Bernd Schlogl.

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