Alpiniste à part, multicartes et multitalents, championne du monde d’escalade, Liv Sansoz donne du coeur à la montagne. Elle termine actuellement une aventure menée au rythme des sommets et des amitiés : atteindre les 82 sommets de plus de 4000 m des Alpes en compagnie de ses meilleurs amis.
D’où vient l’idée de ce projet ?
Elle est née de deux idées convergentes. Je voulais faire une expédition à la maison, éviter de prendre l’avion. On a un terrain fabuleux ici ! J’ai été désabusée par les expéditions où on passe 4 ou 6 semaines dans le mauvais temps pour ne pas faire grand chose au final. À la maison, tu peux rentrer chez toi, grimper en salle, voler en parapente, te maintenir en forme et tu es moins décalée socialement. Et puis, je voulais associer des amis qui me sont chers à cette aventure. C’est important pour moi de les avoir dans ce projet. Le planning des disponibilités n’est pas toujours facile mais le projet gagne en humanité et en simplicité. Tous mes compagnons de cordée ont compris le sens du projet et ont apporté leur énergie.
Y-a-t-il y a un lien avec l’alpiniste Patrick Berhault qui a disparu en réalisant un projet similaire ?
Non, ce n’est pas lié au projet de Berhault et Magnin. Eux le faisaient en hiver dans des conditions plus difficiles et leur objectif était de boucler les 82 sommets en 82 jours. Moi, je prends au moins 4 mois, peut-être plus, au rythme d’une vingtaine de sommets par mois sans me mettre dans le rouge. Il faut que ça reste du plaisir. La montagne, c’est déjà dur physiquement et mentalement, pas la peine d’en rajouter… Je fais de la montagne pour contempler, ressentir et pas avec deux oeillères, dans le stress. Il faut pouvoir en profiter, ancrer les souvenirs visuels et les émotions.
Il faut que ça reste du plaisir. La montagne, c’est déjà dur physiquement et mentalement, pas la peine d’en rajouter…
Tu fais tellement de choses qu’on a du mal à te définir !
Je ne veux même pas être dans une case ! Je suis grimpeuse, alpiniste, parapentiste. Mon métier est de rêver, me dépasser, donner aux autres l’envie d’entreprendre des challenges et le transmettre. Peut-être que dans dix ans je serais sur un voilier, mais la démarche sera la même : celle de défi personnel, donner envie aux autres d’aller vers leurs rêves. Tout (ou presque) est possible et régulièrement je reçois des messages de gens que j’ai inspirés.
Après l’escalade sportive en compétition, je suis revenue à la montagne avec l’escalade en big wall aux Etats-Unis, puis le ski, l’alpinisme, le parapente… Maintenant j’essaie de combiner tout cela. Je suis aidée par l’évolution du matériel, plus sécurisant, plus performant, plus léger et plus pratique. L’ultralight, ce n’est pas pour courir en montagne, c’est pour aller à la même vitesse qu’avant mais en étant moins fatiguée, donc plus lucide et avec plus de plaisir.
Quels sont tes conseils pour un fan de montagne qui voudrait s’impliquer ?
On ne grimpe pas pour être vu, mais pour voir le monde. C’est une citation dont j’ai oublié l’auteur mais que j’aime bien. Un : il faut avoir la passion, un vrai amour de la montagne. Deux : ne pas aller trop vite, ne pas griller les étapes. Trois : être entouré des bonnes personnes, bienveillantes, par exemple des gens du même âge, plus expérimentés ou évidemment un guide. Il ne faut pas oublier que l’apprentissage prend du temps.
Interview : Guillaume Desmurs
Photos : Mike Douglas / Matis Dumas / Ben Tibbetts
