Publié le 23 décembre 2024
Le ski trip ultime au Japon de Léo Slemett et Aymar Navarro
Crédit photo : © Jaime Varela
Carnet de voyage

Le ski trip ultime au Japon de Léo Slemett et Aymar Navarro

"Hokkaïdo Dreams"
SPORTS D'HIVER, IMAGES
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Cinéma, Ski, Carnet de Voyage, Interview, Freeride

Hokkaïdo Dreams est plus qu’un film de ski. C’est un récit d’aventure qui entremêle culture, performance et esthétisme. Un voyage qui enchevêtre le destin de deux figures du ski freeride : Aymar Navarro, l’Espagnol, et Léo Slemett, le Chamoniard. Deux hommes à la texture rare, que la montagne a façonné. Deux amis qui se ressemblent autant que leur style de ski s’oppose. Ces athlètes – certainement parmi les plus beaux palmarès du Freeride World Tour – sont également des esthètes. Ils aiment l’adrénaline de la compétition, mais aussi les endorphines propres aux longues expéditions en montagne. Partageant une attirance commune pour le Japon, ils partent ensemble pour un ski-trip ultime, sur Hokkaïdo, la plus septentrionale des 4 îles qui composent le Pays du Soleil Levant.

Crédit photo : © Jaime Varela

POUDREUSE, BALEINES & PLAYSTATION

Hokkaïdo Dreams est un film qui raconte le ski-trip ultime, entre potes, au pays du Soleil-Levant. D’où surgit cette envie ? As-tu toujours nourri une attirance pour la culture Japonaise ? 

Plus qu’attiré, j’ai toujours été intrigué par le Japon. C’est un peuple qui a connu de nombreuses tragédies – les séismes, l’accident nucléaire de Fukushima – mais qui est toujours resté digne face à la fatalité. J’étais surpris de ne jamais voir les gens pleurer. C’est la raison pour laquelle cette culture m’a toujours interrogé. J’ai eu la chance de la découvrir lors d’une étape du Freeride World Tour ‘Qualifier’. J’étais heureux d’avoir l’opportunité d’y chercher l’apaisement, alors que je traversais une période compliquée. J’y ai fait la rencontre du ‘shinto’, une culture à part, basé sur le respect de l’humain et de la nature. J’ai aussi décelé les subtilités de cette terre pleine de contrastes. Le Japon est un mont Fuji des paradoxes : ils vénèrent des forêts sacrées, et dans le même temps, tuent des baleines. 

Hokkaïdo Dreams est plus qu’un film de ski. C’est un récit d’aventure qui entremêle culture, performance et esthétisme

Comment décrirais-tu le rapport des Japonais avec le ski et la neige ? Y-a-t-il un véritable décalage culturel avec les Alpes de ce point de vue-là ? 

Au Japon, la vision et l’écosystème du ski sont assez ‘old school’. Ils bénéficient toujours des infrastructures héritées des Jeux Olympiques d’hiver qu’ils ont organisé il y a plus de 25 ans. Les cadrages de piste sont à l’ancienne, tout comme l’éducation du ski, peu moderne. Les forfaits de ski ressemblent à ce que nous avions chez nous dans les années 1990. Lorsque j’évolue là-bas, j’ai l’impression de jouer à ‘Nagano 98’, sur la première Playstation. On pourrait s’imaginer un pays à la pointe de la technologie, et pourtant, le soir, tu dors sur des futons traditionnels. Les Japonais démontrent également un très fort respect du cadre. Ils sont très à cheval sur les règles, alors qu’ici, l’anarchie s’installe instantanément dès lors qu’il y a un peu de poudreuse. Enfin, la culture du snowboard est bien plus ancrée que celle du ski, et notamment du ski freeride, très peu pratiqué, malgré les conditions exceptionnelles que les montagnes peuvent offrir. C’est véritablement ce qui m’a le plus impressionné sur place : les quantités astronomiques. Je n’ai jamais vu autant de neige de ma vie. Le Japon, c’est le ‘Graal’. 

Dans les Alpes, nous sortons d’hivers très pauvres en neige. Là-bas, avez-vous été reçus par des conditions fidèles à la légende, avec une poudreuse abondante ? Quelles sont les principales différences que tu as pu noter entre nos montagnes et les leurs ? 

Nous n’avons clairement pas été déçus ! Les chutes de neige étaient fidèles à la légende, en phase avec les images dont je rêvais, et que je pouvais avoir en tête lorsque les anciens nous parlaient des hivers historiques en termes de cumul dans la vallée de Chamonix. Nos montagnes sont plus raides, plus abruptes, plus hautes et plus reculées dans le territoire. Ici le climat est plus océanique : les perturbations viennent du large et s’amassent au niveau des montagnes les plus proches. Cela donne des quantités de neige astronomiques. De la neige d’une qualité rare : grâce au froid, parfois extrême, elle reste très légère et souple ! 

Crédit photo : © Jaime Varela

FOLKLORE, OCTOPUS TREE & PUR FREERIDE

Peux-tu nous raconter la genèse du projet ? Quand et pourquoi a germé l’envie de ce ski-trip au Japon ? Quel message souhaitiez-vous faire passer ?  

Aymar est à l’initiative de ce ski-trip à Hokkaïdo. Ce projet lui tenait à cœur car il a noué un attachement particulier à cette terre qu’il visite régulièrement, hiver comme été. Il m’a proposé de l’accompagner car nous entretenons une amitié qui dure depuis nos premières compétitions sur le Freeride World Tour. Nous avions l’envie de partager une aventure. Une fois entendus sur le « où » et le « quand », il nous restait à déterminer le « pourquoi », l’histoire que nous souhaitions raconter. Naturellement, nous nous sommes alignés sur une démarche esthétique et culturelle. Nous voulions retranscrire dans ce film le folklore et les traditions locales, dans lesquels tu n’as pas le temps de t’immerger lorsque tu es en compétition. Porter un regard curieux et sensible sur ce qui nous entourais, sur les skis, mais pas uniquement. 

Peux-tu nous donner les détails de ce ski-trip ? Combien de temps avez-vous passé sur place et comment l’avez-vous occupé ? 

Nous sommes partis en janvier 2024. Le ski-trip a duré 15 jours, dont 10 jours de ski à proprement parler. Notre approche se voulait très large, dans l’idée de mettre toutes nos compétences à exécution. Nous avons donc entamé notre voyage dans la station de Furano, afin de profiter des remontées mécaniques et jouer. C’était le mot-clé : le jeu, dans la poudreuse, avec les arbres ! Nous avons ensuite effectué l’ascension d’un volcan en ski de randonnée. C’était hyper sauvage. Tu prends rapidement conscience que si ça se passe mal, il sera très difficile d’être secouru. Il faisait extrêmement froid – près de -30°C – ce qui nous a dissuadé de bivouaquer, mais pas de kiffer : on s’est envoyé un énorme couloir de poudreuse ! Enfin, nous avons terminé l’aventure du côté d’Asahidake, une station comparable à La Grave, exclusivement dédiée au freeride, avec un seul et unique téléphérique qui t’amène au sommet ! C’est là que nous avons déniché ‘l’Octopus Tree’, cet arbre avec lequel je m’amuse dans le film, et ces paravalanches que je rêvais de skier depuis tout petit ! 

Crédit photo : © Jaime Varela

Dans le film, vous assumez, avec Aymar Navarro, une vision et un style très différents : comment les décrirais-tu pour chacun de vous 2 ? En quoi sont-ils complémentaires ? 

Notre philosophie et notre vision sont très similaires ; nos personnalités matchent bien : on rigole beaucoup ; mais notre style de ski se veut très différent. Et c’est ce qui rend le projet hyper intéressant ! Aymar propose un ski freeride très pur, basé sur les fondamentaux de la discipline, droit dans la pente, très ‘Big mountain’. Pour ma part, je suis plus polyvalent, avec une touche plus freestyle. Je tente plus de figures. C’est ce qui nous permet de skier ensemble sans se faire de l’ombre : il est rare que, sur une même face, nous soyons attirés par la même ligne, ce qui est un risque lorsqu’on s’aventure avec des skieurs qui partagent la même ADN. Aussi, au-delà de cette différence de style, nous nous sommes retrouvés sur la volonté de donner une approche holistique à nos ski-trips. Nous envisageons tous les 2 le ski comme le moyen d’aller à la rencontre d’une culture et d’une nature qui nous sont étrangères, ou mieux, inconnues. 

Le Japon est un mont Fuji des paradoxes : ils vénèrent des forêts sacrées, et dans le même temps, tuent des baleines

Pour conclure, est-il possible de ressortir un souvenir extrêmement fort de ce projet au Japon ? 

Il y en a plusieurs... Dès notre arrivée, nous avons bénéficié de conditions exceptionnelles. Je me souviens de mes premiers virages dans une neige extrêmement profonde, conforme avec l’imaginaire que je m’étais construit. On était dans l’opulence de poudreuse. À ce moment-là, je prends conscience du truc, je me dis : « Wow, on y est ! » ... Je me souviens également avoir ridé ces paravalanches qui habitent mes rêves. C’était d’ailleurs beaucoup plus complexe que ce que j’aurais pu penser. Enfin, j’ai en mémoire l’ambiance conviviale qui régnait dans notre groupe. Nous avons été accueillis par une petite tribu d’Espagnols qui étaient restés bloqués sur place pendant le COVID et qui n’étaient finalement jamais repartis. Des mecs débrouillards et particulièrement avenants qui ont ouvert un ‘lodge’ et ont refait leur vie là-bas. Lorsque l’on a skié ce couloir à flanc de volcan avec eux, tout le monde avait le sourire jusqu’aux oreilles : c’était magique !

Texte de Baptiste Chassagne

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