Publié le 24 décembre 2021
Marion Haerty
Crédit photo : ©Mathis Dumas

Marion Haerty

Snowboardeuse engagée
SPORTS D'HIVER
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Snowboard, Portrait

Engagé.e. Se dit de quelqu’un qui met du cœur à l’ouvrage. Peu importe l’ouvrage. Marion Haerty, quadruple championne du monde de snowboard freeride, est de cette trempe. Elle engage. Elle s’engage. Dans la vie. Dans la pente. Ou pour des causes. Le concept d’engagement au centre d’un triangle qui relie la réflexion, l’action et la conviction. Café-philo en altitude, au coin du feu, avec une guerrière pacifique que l’engagement guide, comme une étoile du Nord, et pousse, comme un vent du Sud.

LA PREMIÈRE FOIS
« J’ai un souvenir très clair de la première fois où j’ai ‘‘engagé’’. Je devais avoir 8 ans. Il s’agissait d’escalader l’immense cerisier au fond du jardin. C’était le petit défi que l’on s’était fixé avec les copains. Celui qui nous faisait grimper le palpitant. Déjà, il avait fallu analyser les risques, entrer dans un réel état de concentration, trouver les bonnes trajectoires, ou plutôt les bonnes branches… »

LA SOURCE
« Lorsque je suis entrée au club de snowboard de Chamrousse, à 13 ans, mon entraîneur m’a rapidement inculquée une valeur qui, depuis, me sert de point cardinal : lorsque tu commences quelque chose, il faut aller au bout. Et se donner à fond. Chaque projet entamé mérite d’être terminé. En ce sens, la parole a valeur de promesse. C’est la raison pour laquelle, avec le temps, j’ai appris à dire non… Car j’ai horreur de m’engager et de ne faire les choses qu’à moitié. Désormais, avec l’expérience, je préfère refuser que de m’engager à moitié ! »

LA DÉFINITION
« S’engager, pour moi, c’est mettre en œuvre une démarche qui te permet d’avoir toutes les cartes possibles dans tes mains et ensuite laisser parler ton art dans les meilleures conditions. L’engagement est mu par un objectif mais pas que… Au bout, il y a un rêve mais aussi une conviction. Quelque chose d’assez inexplicable, presque viscéral, de l’ordre de l’instinct, qui provient du plus profond de son soi intérieur. On a l’image d’une énergie très brute et virile alors qu’en réalité, c’est un concept très subtil et réfléchi. L’engagement suppose nécessairement un raisonnement en amont, une analyse du risque. Mental, physique ou financier. Enfin, l’engagement est également un luxe. Je vis comme un privilège de pouvoir engager ou non, et non pas de devoir engager… »

LA GUERRIÈRE PACIFIQUE
« Avant de m’engager, j’aime me rappeler les valeurs qui animent ‘Le Guerrier Pacifique’, un livre écrit par Dan Millman, qui m’a beaucoup marquée et inspirée. Il raconte l’histoire d’un gymnaste de haut-niveau qui, guidé par un vieux ‘guerrier’, réussit peu à peu à triompher de ses peurs et de ses illusions. Les mots-clés de cet ouvrage sont le courage, l’humour et la sagesse. Avec un leitmotiv en guise de fil conducteur : ‘le guerrier agit quand le fou se contente de réagir’. Ce bouquin pousse à agir, avec détermination, mais surtout grâce à une paix intérieure.

Crédit photo : © Rossignol/Ludo Chauchaix

LA LIGNE DIRECTRICE
« Grandir et m’épanouir dans l’univers du snowboard fut une chance. J’ai l’impression que cela m’a nourri de valeurs, dont l’engagement, que j’ai pu retranscrire ailleurs. L’engagement, il ne ressurgit pas que sur la planche. Mon engagement, il commence dans ma démarche de haut-niveau. En effet, mon sport n’étant pas régi par une fédération, j’ai dû passer un contrat avec moi-même afin de me botter les fesses tous les matins pour aller m’entrainer. Il intervient aussi dans ma relation à l’autre, que je vis pleinement ; mes projets de film ; les actions avec mes partenaires ; et mes études, puisque j’ai tenu à boucler mon Master… Il se manifeste enfin dans mon soutien auprès de causes qui me tiennent à cœur. Que ce soit avec les associations Yambi et Ride for refugees, ou auprès des petites filles de mon club de snowboard, je m’implique. Car si je n’engageais que sur ma board et ne profitais pas de mes résultats sportifs afin de donner de l’écho à des messages, j’aurais l’impression de mener une vie inaboutie. Pour moi, être championne du monde, ce n’est pas qu’une finalité, c’est surtout un moyen. »

 

Aller à la guerre, mais sans violence. Combattre, mais avec douceur et bienveillance !

Crédit photo : ©Mathis Dumas

LE CALENDRIER DU FREERIDE WORLD TOUR
1. Baqueira Beret, Espagne du 22 au 28 janvier 2022
2. Ordino Arcalis, Andorre du 30 janvier au 5 février 2022
3. Kicking Horse Golden BC, Canada du 12 au 17 février 2022
4. Saalbach Fieberbrunn, Autriche du 15 au 20 mars 2022 (Finale 1)
5. Verbier, Suisse du 26 mars au 3 avril 2022 (Finale 2).

Crédit photo : © Jeremy Bernard / FWT

LA SECONDE D’AVANT
« La seconde avant de ‘’dropper’’ dans la face, je n’ai pas la sensation de m’engager. Au sens où l’engagement, je l’ai mis dans tout le travail effectué en amont pour arriver au sommet de cette montagne relâchée, déterminée et positive. Dès juillet, je mets en place une démarche de préparation mentale afin d’être prête le Jour J. Je pratique énormément la visualisation. Je m’imagine rider la pente en question et décortique chaque seconde de ma descente selon différents points de vue, comme si j’étais filmé à la Go Pro, puis au drone… Pour avoir toutes les perspectives et ne rien laisser au hasard. Savoir quel micro-muscle va fonctionner à quel moment et de quelle manière. Une fois cette étape cochée, j’arrive à ressortir la guerrière pacifique au bon moment, juste avant de dropper. L’instant d’avant se révèle assez intime et puissant. Je sens une vague d’énergie assez folle monter en moi. Une explosion de joie, de stress et d’émotions. C’est trop bien. Je profite. Puis là, je me lance… »

 

Je me suis promise d’entretenir la flamme de la passion, d’être heureuse de me réveiller chaque matin en montagne et d’avoir la planche aux pieds.

LA MAGIE
« Pendant que je ride, même en compétition, je n’ai pas non plus l’impression d’engager. Je suis dans l’instant, dans le flow, ce bien-être instinctif qui t’offre la conviction d’être au bon endroit, au bon moment. Je suis comme en osmose avec la nature. Je les ai tellement visualisés, que mes mouvements deviennent automatiques. Une part de magie opère. C’est ma parenthèse à moi. Et à personne d’autre. »  

LA PROMESSE
« Il y a un engagement plus intime et plus profond que j’ai pris avec moi-même dernièrement. Je me suis promise d’entretenir la flamme de la passion, d’être heureuse de me réveiller chaque matin en montagne et d’avoir la planche aux pieds. C’est un engagement sur le bonheur. Ou plutôt sur le chemin qui mène au bonheur. »

LA LIMITE
« Pour s’engager, certains ingrédients sont fondamentaux : la passion déjà ; l’assiduité aussi, pour éviter ce terme de rigueur que je trouve très militaire et contraignant ; et la résilience, enfin, surtout… Lorsque je prends du recul sur mes titres de championne du monde, je les envisage comme l’aboutissement d’une construction pyramidale que j’ai façonné petit à petit. Ce titre était mon objectif et pour y arriver, je me suis d’abord tracé le chemin qui, selon moi, me permettrait d’y accéder. À un moment donné, je me suis laissée aveugler par mon rêve. J’ai grillé les étapes. Je me suis fait mal. Je me suis fait peur. J’aurais pu faire différemment. J’ai touché les limites de mon engagement. Puis, avec la patience et l’expérience, j’ai compris que l’une des clés, c’était la bienveillance envers soi-même. »

LA QUÊTE DE PERFECTION
« J’ai toujours été animée par une quête de perfection. Mais j’ai aussi compris, petit à petit, que cela ne menait à rien de vouloir être parfaite. Désormais, je m’accorde le droit d’être fière de moi, d’avoir des défauts, d’être fatiguée… Je suis plus sympa avec moi-même. Le confinement au printemps 2020 m’a permis de me poser : j’ai pris conscience qu’il n’était pas nécessaire d’être à 100% tous les jours. Je suis plus à l’écoute de mon moi-intérieur, et ainsi je suis plus heureuse… »

LA COMPÉTITION
« Décrocher un nouveau titre de championne du monde, c’est un engagement que je prends vis-à-vis de moi-même. La pression, je me la mets toute seule. Même après plusieurs titres, la motivation demeure intacte. Car ce qui fluctue à chaque fois, ce n’est pas forcément le résultat, mais la manière ! J’essaye toujours d’apporter de la fraicheur dans mon approche, dans les épreuves, dans le contenu de mes runs, dans les adversaires que j’affronte… Mon désir de gagner, il prend sa source au plus profond de moi, pas dans la confrontation directe. La compétition offre seulement le cadre, le contexte, qui permet de se dépasser et d’aller éprouver ses limites. Ce que je recherche, ce sont des victoires sur moi-même : rencontrer cet instant de pleine satisfaction où tu valides des choix que tu as pu faire, lorsque tu concrétises une démarche que tu as entrepris… »

 

Crédit photo : © Jeremy Bernard / FWT

LES NOUVELLES RÈGLES DU FWT 2022 POUR PLUS DE SUSPENS & PLUS DE SPECTACLE
Pour son 15ème anniversaire, le Freeride World Tour opère à quelques petits changements de règlement qui auront une importance majeure pour les athlètes, dans le but d’accroître les performances athlétiques et d’améliorer l’expérience des téléspectateurs. Pour encore plus de spectacle, de suspens et d’engagement.

 Le « Cut » ou « Coupe qualificative » interviendra après la 3ème étape de Kicking Horse, contre la quatrième habituellement. Seuls 26 meilleurs riders de l’année (12 ski hommes, 5 ski femmes, 5 snowboard hommes, 4 snowboard femmes) se verront alors qualifiés pour les deux Finales.
 La première finale à Fieberbrunn se déroulera sur un format révolutionnaire de 2 manches, où seule la meilleure sera comptabilisée. Ceci dans l’optique de pousser les riders à encore plus d’audace et d’exploits que sur une manche unique.
 Enfin, le système de points a été repensé puisque les deux Finales du FWT multiplieront les points au classement général (12 500 points pour la 1ère place au lieu de 10 000 les années précédentes) !

Freeride World Tour 2022
du 22 janvier au 3 Avril 2022
en Espagne, Andorre, Canada, Autriche & Suisse
https://www.freerideworldtour.com/

LA LEÇON
« Je me souviens de cette discussion marquante avec Justine Dupont, qui m’explique comment elle se prépare les veilles de très grosses vagues. Justine insiste alors sur le fait que mentalement, elle est conditionnée à faire par elle-même. Elle concède qu’elle a beau avoir le meilleur entourage du monde, elle sait que finalement, une fois dans l’eau, ce sera à elle et personne d’autre d’agir. Et cette motivation pure, celle qui t’incite à t’engager, vient du fond de tes tripes. Il faut la chercher pour la trouver. Pour ma part, elle est profondément enracinée dans mon histoire personnelle. »

LA SESSION D’UNE VIE
« Il ne s’agit pas d’un run en compétition. Non, la fois où j’ai eu l’impression d’engager comme jamais, ce fut lors du tournage de mon film In Situ, avec PVS Company, à l’Aiguille de l’Amone ! L’engagement était partout. Dans la difficulté de la ligne d’abord. La moindre coulée pouvait m’emporter. Dans la pression ensuite, car lorsque tu réalises un tel projet, tu deviens fatalement la pièce-maitresse sur les épaules de laquelle repose le travail de tous. Dans la préparation enfin, puisque tu endosses le rôle de chef d’orchestre, à devoir peaufiner tous les détails. C’est à cet instant précis que j’ai pris l’ampleur de la montagne en pleine tête. J’ai même dû appeler un spécialiste des avalanches pour comprendre le comportement de la neige sur cette face, millimètre par millimètre. De ce point de vue-là, la compétition c’est presque facile : tu poses tes fesses dans un bus et tu suis le mouvement. Ainsi, lorsque j’ai plaqué ce run sur l’Aiguille de l’Amone, j’ai ressenti une joie comme rarement j’en ai vécu. »

LA PLANÈTE
« Voir que la planète se dégrade, constater au quotidien, au plus près des éléments, sur le terrain, que la nature souffre, cela me touche énormément. Après avoir pris connaissance du rapport du GEIC cet été, le lendemain matin, en me levant, je n’étais vraiment pas bien, j’étais triste et mélancolique… Cependant, je ne me sens absolument pas légitime quant au fait de m’engager sur le sujet. Certains le font. Je les admire et les remercie. Mais comment parler d’écologie avec mon profil, alors même que je prends l’avion pour me rendre aux compétitions ? Ce serait malvenu de ma part. Du coup, j’opère ma petite part de colibri au quotidien, je fais de mon mieux, à l’ombre, discrètement. C’est un paradoxe assez difficile à vivre et dont les solutions sont peu évidentes, mais j’avance avec une conviction : dans ces temps assez agités, les gens ont besoin de rêver et nous faisons partie de ces acteurs qui les aident à avoir le sourire, qui leur mettent des étoiles dans les yeux… »

LA SAISON PROCHAINE
« Il n’est absolument pas compliqué de retrouver une motivation de la première heure à l’aube de chaque saison. Cet hiver, je suis dans un mood où je cherche avant tout à vivre des moments exceptionnels. Je veux juste traverser des instants qui me font rêver et rayonner. Je ne suis pas obnubilée par la victoire, que ce soit sur le Freeride World Tour ou le Natural Selection. Disons qu’accéder à la plus haute marche du podium n’habite pas mes songes, car la compétition est un moyen plus qu’une finalité. Cette saison, vous me retrouverez donc sur deux projets de film validés par mon partenaire principal, The North Face : l’un en Iran, l’autre dans les Alpes. Je serai aussi au départ de l’épreuve qualificative du Natural Selection, à Jackson Hole, afin d’élever mon niveau en back-country. Enfin, je m’alignerai sur une ou deux manches du circuit FWT. »

Texte Baptiste Chassagne

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