Publié le 26 mars 2019
Jean-Claude Gentzik

Jean-Claude Gentzik

L’inépuisable Benjamin Button
TRAIL RUNNING
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Running, Portrait

1 mètre 65. 51 kilos. Bientôt 70 printemps. 40 ans de course à pied. 1 000 dossards épinglés. 900 podiums décrochés. 2h57 pour devenir vice-champion du monde de marathon de sa catégorie, à 67 ans... Quelques chiffres évocateurs mais qui ne suffisent pas pour présenter Jean-Claude Gentzik, figure emblématique de l’athlétisme annécien.

Figure emblématique de l’athlétisme annécien qui défie les chronos et la logique du temps qui passe par sa longévité hors-norme. Longévité qui, 40 ans après avoir participé à la première édition, le conduira le 14 avril prochain sur la ligne de départ du 40ème anniversaire du Marathon d’Annecy. Prêt à en découdre. Affûté comme jamais. Comme toujours. Depuis plus de 40 ans !

Le Mur des 30 comme en 40

Il est 19h. Début mars. Le crépuscule guette. Le passage de témoin entre le Soleil et la Lune se trame. Les derniers rayons du premier finissent d’accompagner le lac vers son hibernation nocturne. Quelques coureurs à pied profitent des conditions printanières de cette fin d’hiver pour ponctuer leur journée de travail pendant que quelques cyclistes s’adonnent à leurs premiers coups de pédales de la saison. Le Lac comme dénominateur commun pour s’évader un temps du tumulte quotidien. Jean-Claude Gentzik les couve du regard. L’œil expert. Lui a rangé ses baskets depuis quelques heures déjà. « Maintenant que je suis à la retraite, je préfère m’entrainer le matin. Courir annonce les prémisses d’une belle journée… »

Jamais à jeun par contre : « Moi, tu ne me fais rien faire si je n’ai pas petit-déjeuné ! ». Silence. On sent une complicité teintée de respect entre la gigantesque flaque d’eau et l’athlète le plus assidu aux rives de cette dernière.

Cela fait quarante ans que Jean-Claude Gentzik s’entraîne et concourt autour de cette grande étendue où se déversent les ruisseaux alpins. Il est pensif. Peut-être visualise-t-il déjà le fameux « Mur des 30 » qu’il devra surmonter le 14 avril prochain, lorsqu’il partira à l’assaut d’un nouveau chrono pour le 40ème Marathon d’Annecy ? Peut-être se remémore-t-il les souvenirs qui égrènent son palmarès depuis ce jour de 1980 où il a pris le départ de la première édition de cet évènement devenu emblématique ? Il susurre, comme la conclusion d’une discussion qui n’a jamais véritablement commencé : « Je ne me sens jamais autant vivant que lorsque je cours autour du lac. »

Le don d’ubiquité

Habitué à aller de l’avant, Jean-Claude accepte de regarder avec nous dans le rétroviseur : « J’ai commencé l’athlétisme en 1966, à 16 ans, en cadet, sur les recommandations d’un professeur de sport qui avait remarqué que je terminais toujours premier lorsqu’il s’agissait de faire le tour de la cour. » Après une parenthèse de 8 ans passée loin du tartan, à fonder une famille, l’annécien rechausse les baskets à 28 ans. Pour ne plus jamais les lâcher. « En 1978, je participe à la Grimpée du Semnoz. Ce fût comme un déclic ! À partir de cet instant, je n’ai plus jamais arrêté de courir. Pendant 40 ans, j’ai conjugué ma carrière d’athlète avec celle de salarié au sein de la société Dassaut. » Le matin, il se lève aux aurores pour s’entraîner avant d’embaucher et lorsqu’il quitte le bleu de chauffe, rebelote, il enfile à nouveau son short pour la deuxième séance de la journée. « Dans mes plus belles années, je comptabilisais 12 sorties hebdomadaires. Et il faut savoir qu’à l’époque, on n’était pas encore aux 35h : on bossait 48h par semaine ! »

Ainsi, à force de bornes et de sueur, Jean-Claude Gentzik se construit un solide CV de coureur national. « Mais pas international », tient-il à préciser comme une illustration de cette humilité et cette soif de progresser qui ne l’ont jamais quitté. « J’étais très polyvalent. J’ai couru à un bon niveau sur piste, sur route, en cross, en course en montagne. » La course en montagne, sa discipline de prédilection, dont il sera plusieurs fois champion de France. Au rayon de ses souvenirs les plus mémorables, il classe ses sélections sous le maillot tricolore et son record personnel de 1h08 au semi-marathon, à Annecy, en 1986, à 36 ans. « Aujourd’hui, rares sont les haut-savoyards qui trustent les podiums de cette course ! »

Rien ne me procure autant de plaisir que de monter au sommet du Veyrier ou de réaliser une séance de 4 fois 5000 mètres sur la piste cyclable autour du Lac…

Comme le bon vin...

Athlète à la maturation tardive, Jean-Claude Gentzick voit son palmarès épouser peu à peu la topographie de son épreuve fétiche : ascendant. Plus il célèbre des anniversaires, plus il agrémente son palmarès de lignes honorifiques. Les chronos déclinent irrémédiablement avec l’âge mais les performances, elles, sont de plus en plus impressionnantes. On oserait presque la métaphore viticole. Celle qui assure que les cépages se bonifient à mesure que les années défilent. Deux dates récentes le rappellent à une émotion spéciale, celle que seuls les champions peuvent expérimenter : son titre de vice-champion du monde de marathon des « plus de 65 ans » à Lyon, en 2015, et ce chrono de 2h57 sur la distance mythique, à Genève, en 2017, à 67 ans. Une marque à faire pâlir tout ce que le peloton du running compte de plus jeune et de plus fougueux. Alors quel est le secret de ce Benjamin Button de l’acide lactique ? Aurait-il découvert, au pied des Alpes, la source de la fontaine de Jouvance ? « Mon carburant, c’est la passion ! Les vingt premières années, je courais pour être compétitif, car j’adorais la confrontation, j’avais cette volonté d’être le meilleur possible. Je voulais voir descendre les chronos. Mais, ensuite, j’ai changé d’état d’esprit. Aujourd’hui, courir fait partie de mon équilibre. J’adore le goût de l’effort et du dépassement de soi. » Quid de cette frustration qui voit certains anciens athlètes déprimer, à l’aube de la retraite, lorsque les chronos entament une déclinaison inexorable et que le corps commence à faiblir, éreinté par une vie de sacrifices ? « Moi je ne me prends pas la tête car j’ai bien conscience qu’à partir de 50 ans, l’être humain perd fatalement 10% de sa VO2 maximale à chaque décennie, si bien qu’à 90 ans, il n’est plus qu’en mesure de se lever le matin et se déplacer tout doucement… »

Enchaîner les kilomètres tous les matins pour être bien dans son corps et dans son esprit, voici la recette de la longévité. « Rien ne me procure autant de plaisir que de monter au sommet du Veyrier ou de réaliser une séance de quatre fois 5 000 mètres sur la piste cyclable autour du lac… » Sauf peut-être une poignée de mignardises, lui qui concède une gourmandise aux antipodes de l’image d’ascète rigoriste que l’on serait tenté d’imaginer : « J’ai un mode de vie sain et équilibré, mais je ne m’interdis pas grand-chose. Lorsqu’il faut faire la fête, je suis là ! Je fais attention tout en m’accordant une certaine souplesse…

Après, j’ai du mal à résister à mon péché-mignon. Si tu m’ouvres une boite de chocolats de 300 grammes, tu peux être certain que ce soir, lorsque je me couche, à 23h, elle est terminée ! » admet-il, malicieux.

Les chronos déclinent irrémédiablement avec l’âge mais les performances, elles, sont de plus en plus impressionnantes.

Témoin du phénomène Running

Cette endurance remarquable, à l’échelle du sport mais également de la vie en générale, lui offre une place de choix pour prendre du recul sur l’évolution de sa passion : « Mon constat est assez paradoxal. En effet, il est indéniable qu’il y a aujourd’hui une démocratisation de la course à pied, ce qui est très positif. Mais d’un autre côté, cette prise de conscience des aspects bénéfiques du sport d’un point de vue de la santé va de pair avec une régression spectaculaire des capacités physiologiques intrinsèques de l’homme… Avant, un collégien courrait le 800 mètres en 3 minutes, il en met 4 désormais ! » Il évoque également le marathon d’Annecy, sa ville de coeur, celle dont il est nostalgique dès lors qu’il s’en éloigne, même pour quelques jours de vacances, comme un témoin de cette évolution : « En 1980, sur la ligne de départ, nous n’étions qu’une petite poignée d’initiés alors que désormais nous sommes des milliers… C’est génial que d’observer que ma passion s’est universalisée ! »

Mais qu’importe le nombre de participants, demain comme hier, sur cette 40ème édition comme sur la première, Jean-Claude Gentzik sera parmi les premiers. Sur le podium de sa catégorie mais également au classement de ces hommes qui forcent le respect.

Texte : Baptiste Chassagne

Marathon du lac d’annecy

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