Publié le 21 mars 2024
Expédition sportive et scientifique au Groenland avec Alex Honnold et Heidi Sevestre
Crédit photo : © National Geographic
Carnet de voyage

Expédition sportive et scientifique au Groenland avec Alex Honnold et Heidi Sevestre

Par-delà les glaciers du Groenland
ESCALADE ALPINISME, AVENTURE
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Escalade, Carnet de Voyage, Environnement, Interview

Dans les profondeurs glacées de l'Est du Groenland, une équipe d'aventuriers s'apprête à écrire une nouvelle page dans l'histoire de l'escalade et de la science. Lancé dans une quête sans précédent : conquérir l'une des parois les plus imposantes et inexploitées de la planète, Alex Honnold repousse encore une fois les limites de l’extrême. Ses exploits en solitaire sur les falaises les plus vertigineuses des États-Unis l'ont propulsé au sommet de sa discipline, faisant de lui non seulement un héros de l'escalade, mais aussi un fervent défenseur de la préservation de notre environnement. Nous avons eu la chance de le rencontrer, à travers un écran, pour qu’il nous raconte son aventure hors du commun.

Connection entre fuseaux horaires californien et haut-savoyard, écrans interposés, Alex Honnold est assis, derrière lui des cadres de paysages, tout simplement. S’engage alors une discussion inspirante, comme une leçon d'humilité. Celui que l’on surnomme “No Big Deal” apparaît comme un être profondément terre-à-terre, réussissant pourtant à s’élever à la seule force de ses mains.

ALEX HONNOLD, L’AS DES PAROIS

Un intérêt inné pour l'escalade en solo intégral depuis son enfance, à seulement 11 ans, Alex entamait ses premières ascensions sans corde. Aujourd’hui, grimpeur hors-pair et devenu mondialement connu pour son ascension en solo intégral d’El Capitan à Yosemite aux Etats-Unis, on en rajoute à peine quand on dit qu’Alex Honnold est sans doute le meilleur grimpeur du monde. 

Crédit photo : © National Geographic

L'EXPÉDITION GROENLAND 

Six semaines est une longue période où être autonome et autosuffisant devient essentiel. Alors la préparation pour un périple de cette ampleur implique une organisation méticuleuse du matériel adapté à ces conditions particulières et à la météo rude de cette région du monde, dans l’optique d’être dans la capacité à résoudre les problèmes que l’on va rencontrer en milieu naturel et hostile. Mais le pilier de toute exploration réside dans « l’assemblage d’une équipe parfaite, que chaque individu sache exactement comment agir en fonction de son rôle respectif. » nous expliquait Alex. 

Après de nombreux mois d’organisation, le groupe se lance à travers les fjords et glaciers du Groenland pour une expédition unique. Entourés d’écosystèmes hypnotisants de beauté, demeure une région encore largement inexplorée : la région de Scoresby Sound. 

Malgré les peaux de phoques fixées sur les spatules et les énormes sac à dos de camping solidement attachés, les membres de l’expédition n’étaient pas contraints de porter tout leur équipement à chaque étape de leur progression, leur permettant de vivre pleinement cette expérience : « Forcément, quand tu as tout ton matos avec toi, cela limite le champ des possibles. Ici, nous avons eu cette opportunité de traverser l’est du Groenland ! » s'exclamait Alex ! Dans le contexte du tournage de la série télévisée, de nombreux porteurs ont pu assister les athlètes, les suivant d’un camp de base à l’autre, et d’une pratique sportive à l’autre. 

garantir une capacité à résoudre tous les défis qui se présenteront dans cet environnement hostile

Crédit photo : © National Geographic

L’EXPLOIT SPORTIF

L’Ingmikorlitaq, monolithe de gneiss rocheuse de 1 120 m de haut et dont le nom vaut triple pendant une partie de Scrabble, figure désormais dans le palmarès des parois rocheuses vertigineuses qu’Alex Honnold a dompté. Accompagné des alpinistes de renom Hazel Findlay et Mikey Schaefer, Honnold s'attaque à cette muraille verticale, surgissant des eaux gelées, jusqu'alors vierge de toute empreinte humaine et qualifiée de « paroi horrible et d’un danger sans nom », selon ses propres mots.

Celui qui ne se considère pourtant pas superstitieux déclare avoir quelques rituels comme vérifier les nœuds, les ancrages, le matériel et que son partenaire de cordée soit prêt, et cela plusieurs fois !  

Face au mur, le silence perce l’atmosphère, comme un moment face à soi-même, face à des pensées qui traversent l’esprit, magnésie au creux des mains, quelques secondes avant la concentration suprême. La grimpe de l’extrême s’apparente alors à de longues minutes de philosophie à la limite de l’inconscient. 

La grimpe de l’extrême s’apparente à de longues minutes de méditation

C’est lorsque nous avons abordé l’aspect mental de son sport qu’Alex nous livrait que cette concentration devient inhérente à la performance et vitale à sa survie :
« quand tu réalises quelque chose d'exigeant ou un défi, ce niveau de concentration est indispensable. Je pense que dans les moments les plus compliqués d’une ascension, tu n’as besoin de rester concentré car tu es concentré. L’effort requis est du même type que lorsque tu conduis dans de mauvaises conditions, dans une tempête par exemple. Tu n’as pas besoin de te concentrer, tu es immédiatement concentré parce que si tu défailles tu vas possiblement faire une sortie de route, en particulier en Europe avec tous ces virages et rond-points (rires). » 

Fort de ses actions d’éclats, l’homme de 38 ans est un sportif, un vrai, dont la vie se conjugue avec abnégation, discipline, rêverie et un soupçon de folie. Vous vous en doutez, après ses périlleuses et notables ascensions d’El Capitan, du Fitz Roy, et d’El Sendero Luminoso, rien ne pouvait arrêter Alex Honnold dans sa quête d’altitude… Hormis un détail concernant le climat inhospitalier du pays vert : « Il faisait globalement très froid, mais vraiment  très froid (rires) ! » Néanmoins, garder sa température corporelle suffisamment haute pendant la montée relèvait d’un effort exigeant. « Grimper avec des températures si basses est très désagréable mais tu peux gérer avec certaines techniques. Si ton corps reste assez chaud, alors tes mains peuvent te permettre de continuer à monter. J'ai souvent réchauffé mes mains avec la chaleur de mon cou, en les plaçant dans mon col. Aussi, souffler dans mes paumes me permettait de gagner quelques degrés. Là-bas, je portais trois pantalons superposés ! » nous expliquait le grimpeur. 

Crédit photo : © National Geographic

LES GLACIERS AUSSI PROTAGONISTES
DE L'EXPÉDITION

L’escalade n’est pas la seule protagoniste de cette série documentaire. En effet, l'expédition était aussi l'occasion pour les scientifiques d’étudier la région du Groenland, l’une des régions les moins étudiées au monde. Chaque heure, chaque minute sur place était maximisée pour collecter des données. Et pour réunir ces données indispensables, c’est la glaciologue française et annécienne, Heïdi Sevestre, qui est partie sur place. « Nous n'étions pas là pour faire de la science pour les caméras. L'objectif était de faire de la science utile pour la communauté scientifique » nous racontait la chercheuse. Dix-huit protocoles scientifiques ont été réalisés sur le terrain, en collaboration avec les athlètes, poussant Heïdi à se dépasser :  « J’avais tout le protocole prêt pour eux, et ils m’ont dit « mais pourquoi tu ne viendrais pas avec nous ? » Je leur ai dit « mais vous rigolez, la paroi fait 400 mètres de haut, je n’ai aucune chance de vous suivre ! » Ils ont installé des cordes fixes et on a réussi à concilier science et sport. » 

Nous n'étions pas là pour faire de la science pour les caméras

Heidi reconnaît la chance qu’elle a eu d’avoir appris sur le réchauffement climatique mais avoue une admiration pour les grimpeurs : « J’ai énormément appris d’eux. Ce que j’ai compris c’est qu’être grimpeur, c’est sans cesse résoudre des problèmes. C’est les MacGyver du terrain. Ils ont un calme absolu face à l’adversité, une humilité face à la nature. » 

Les mots de la glaciologue résonne comme une sonnerie d’alarme : « 80% de l’île est recouvert de glace. Si cette région venait à perdre toute cette calotte glaciaire, cela provoquerait une élévation du niveau des mers de 6 à 7 mètres. Notre avenir, à tous, est lié au Groenland. » Groenland, comprenez « terre d’hommes » en langage local, une terre dont l’avenir de l’humanité dépend. 

Crédit photo : © National Geographic

Cette aventure nous prouve le potentiel énorme de ces expéditions mêlant athlètes et études scientifiques. «J’espère qu’on a pu planter une graine et que les gens s’identifieront à nos travaux et à cette région merveilleuse, et comprendront la force et la fragilité de ces régions », nous confiant Heïdi, « voir la vitesse des icebergs qui défilent dans les eaux d’un fjord, à une vitesse effrénée. Ça m'a rappelé les "White Walkers" de Game Of Thrones, comme une armée d’icebergs qui évolue et finit par disparaître dans les eaux. Si seulement le monde pouvait voir ça. C’est beau mais c’est mortel à la fois, quand les icebergs fondent, on perd une partie de la beauté de notre planète. »  

Crédit photo : © National Geographic

L’expédition en quelques chiffres

  • Date de l'aventure : Août 2022
  • Hauteur de l'Ingmikorlitaq : 1 140 m
  • Durée de l'expédition : 6 semaines
  • Hauteur du monolithe Pool Wall : plus de 460 m
  • Côte du Pool Wall : 7b+
  • Température moyenne : -7°C
  • Nombres de protocoles scientifiques réalisés : 18
  • 8 échantillons de roche :
  • Prélevés pour la recherche scientifique
  • 16 août 2022 : Date de l'atteinte du sommet de l'Ingmikortilaq
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