Publié le 23 décembre 2025
Emily Harrop vers les JO et au-delà...
Crédit photo : ©Emily Harrop
Interview

Emily Harrop vers les JO et au-delà...

Le ski-alpinisme fait son apparition aux JO 2026
SPORTS D'HIVER
|
Ski Alpinisme

Les Jeux Olympiques d’Hiver démarreront le 6 février prochain à Milan-Cortina. Cette année, une nouvelle discipline s’invite au programme des festivités : le ski-alpinisme. Et dans le firmament des peaux de phoques et des tenues en lycra, un astre brille un peu plus que les autres. Plongée dans l’univers de l’étoile montante de sa discipline, la sextuple championne du monde de skimo, Emily Harrop.

Crédit photo : ©Emily Harrop

OLYMPIAN LOADING

Emily participera aux JO d’hiver qui accueilleront pour la première fois deux épreuves de ski-alpinisme : le sprint (effort de 3 minutes avec une montée et une descente sèche) et le duo sprint en relais, auquel elle espère participer avec son binôme, Thibaut Anselmet. Nous la rencontrons au mois de novembre alors qu’elle se trouve en stage de prépa à Tignes.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Emily, on se rencontre après une belle journée sur les skis, à l’heure où tu sèmes les graines des fruits que tu espères récolter en février. Quand la reprise de l’entraînement intensif a-t-elle eu lieu ?

 

Pour moi, l’entrainement c’est toute l’année. Lorsque je ne glisse pas, je roule, je cours, je marche. Je m’autorise une pause de quelques semaines en sortie de saison et puis je rechausse les baskets. Le mois de septembre signe ensuite le retour à l’intensité et aux entrainements en équipe avec notre premier stage à Bormio, puis à Tignes. L’intérêt de ces stages est de se confronter les uns aux autres pour simuler la compétition et augmenter la charge de nos séances respectives jusqu’à la première course en décembre.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Comment s’organise ta saison de ski-alpinisme ?

 

Ma saison s’articule en deux temps cette année. D’abord, jusqu’en février, je vais me concentrer sur les épreuves de Coupe du monde, avec les Jeux Olympiques en ligne de mire. Ce circuit me permet de me mettre dans le bain de la compétition et de travailler différentes formes d’effort : sprint, relais, vertical race… Aux JO, il y aura deux disciplines : le sprint et le relais. Ensuite, après les Jeux, je passerai à une deuxième phase plus orientée vers des épreuves longues : des courses plus engagées, des championnats d’Europe, des gros événements montagne. Ce calendrier est d’autant plus cohérent que les bonnes conditions en montagne sont aujourd’hui plus tardives qu’il y a 10 ans.

 

Que mets-tu en place dans cette première phase pour te préparer à l’objectif JO ?

L’avantage du ski-alpinisme, c’est que nous pouvons faire beaucoup de courses, entre décembre et avril. Cela permet de se confronter à l’adversité mais aussi de rattraper ses erreurs rapidement. Cependant, ce rythme peut devenir difficile à tenir quand les choses ne s’améliorent pas ou que l’on cumule de la fatigue. Avant, je courais toutes les courses, je ne voulais rien rater, mais maintenant, et notamment grâce aux JO, je prends plus de recul et je m’écoute. Pour la première fois de ma carrière, je vais faire une impasse sur une course de Coupe du monde et ne prendrai pas le départ de la première épreuve aux Etats-Unis, pour me concentrer sur l’objectif olympique qui m’attend en février. 

Jusqu’aux Jeux la stratégie est claire : ne pas faire de gros voyage, prendre le temps dans la préparation, faire monter la forme crescendo pour arriver à son pic en février. L’en-jeu(x) change profondément ma perception du sport. Avant, je courais chaque week-end avec la même intensité, comme si j’étais en contrôle continu, toujours dans l’optique du classement général en Coupe du monde. Mais cette année, je prépare autre chose : la course d’un jour, comme un concours. M’engager dans cette saison d’une manière différente me motive énormément.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Quel serait le déroulé d’une journée type d’entrainement dans cette première phase cruciale avant les Jeux ?

Dans mon métier, les journées s’enchainent mais ne se ressemblent pas. Nous sommes à une période où il n’y a pas de la neige partout. On met les skis-roues quand on est en vallée, on sort les baskets pour courir en plaine et certains font même encore à cette saison, du vélo.

Cette semaine à Tignes, par exemple, je chausse les skis à 8h45, c’est la période pour aligner les heure de glisse. Aujourd’hui, j’ai fait une séance de PMA avec 4 à 5 répétitions de 5 minutes sur un parcours montée/ descente sur le même tracé qu’en sprint, avec du portage et de la confrontation. Le stage est un moment intense et important dans la préparation de la saison, cela nous permet de nous tester et de se pousser dans.nos retranchements. Après une bonne matinée de 3h de glisse, on rentre, on mange puis on fait une petite sieste avant de repartir skier 1h30/2h, d’aller faire de la musculation pour certains ou un footing pour d’autres. Le gros avantage du stage c’est aussi l’accompagnement que l’on reçoit. La journée se fini souvent par un soin kiné et le debrief de nos entrainements par le coach, avec retour vidéo et chronos.

En ce moment nous sommes donc en bloc de charge, on fait beaucoup d’intensité et de volume pour choquer le corps puis il y aura la décharge à quelques semaines de l’objectif pour assimiler au mieux et arriver en course.

JE COURS POUR MOI. PERSONNE NE VIENDRA M’AIDER À POUSSER SUR LES BÂTONS LE JOUR J

Crédit photo : ©Emily Harrop

Comment te sens-tu à 3 mois de l’échéance olympique ?

 

Accepter de ne pas aller aux États-Unis me donne le temps de construire sereinement, sans ressentir la pression d’une première course dans trois semaines. Il reste plus de trois mois avant les Jeux, je suis donc encore véritablement en construction. Je suis motivée et j’aime ce travail dans l’ombre.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Une fois que la saison démarre, les échéances s’enchaînent week-end après week-end : ce sont ces compétitions qui nous font le plus progresser mais pour en tirer le meilleur, il faut déjà avoir posé toutes les fondations pour arriver serein-e au départ. 

 

Psychologiquement, les JO me paraissent à la fois proches et lointains. J’ai encore du mal à réaliser, et beaucoup de choses restent à peaufiner d’ici février. Alors je reste en mode « plaisir et apprentissage », et j’essaie de savourer chaque progression.

 

Quel sont tes ambitions pour ces JO d’hiver et comment t’y prépares-tu physiquement et mentalement ?

Mon ambition c’est véritablement de vivre mon rêve d’enfant. Côtoyer l’événement qui représente l’excellence sportive à mes yeux et m’épanouir pleinement avec 100% de mes moyens. J’espère arriver avec la possibilité de donner tout ce que j’ai.

MON AMBITION C’EST DE VIVRE MON RÊVE D’ENFANT

Crédit photo : ©Emily Harrop

Gagnante de 4 Globes de Cristal, 6 fois championne du monde individuelle, comment gères-tu les attentes qui accompagnent ton dossard de favorite ?

Ce n’est pas une position facile, surtout quand on participe pour la première fois à une Olympiade. La bonne nouvelle, c’est que la discipline est nouvelle à l’évènement : nous sommes donc tous sur un pied d’égalité. Mais plus personnellement, j’attends beaucoup de moi-même. J’ai déjà plus ou moins ma sélection grâce à mes résultats de l’an passé mais j’ai envie de prouver que la confiance qu’on a placée en moi était juste. Je ne me dis pas « je ne veux pas les décevoir » mais plutôt « je veux honorer la confiance qu’on a mis entre mes mains » - enfin mes pieds surtout [rires]. Je veux rendre fière mon équipe.

En revanche, chaque jour, je me rappelle aussi que je cours d’abord pour moi car, au final, personne ne viendra m’aider à pousser sur les bâtons le jour J. Je sais que j’ai déjà accompli de belles choses, et que j’ai la capacité de viser un titre olympique majeur. Mais je suis aussi consciente que le niveau monte très vite, et que pour donner le meilleur de moi-même à Bormio, je dois être convaincue de ma légitimité. On ne peut pas tout contrôler : la forme des autres, les imprévus en course, les résultats… alors il faut déjà arriver sûre de soi et de sa prépa.

 

DERRIÈRE LA FLAMME

J’imagine que depuis que ton nom est inscrit sur la liste des participantes aux JO d’hiver 2026, les questions que nous venons de te poser sont récurrentes et ton discours rôdé. Mais derrière la flamme qui se trouve dans la vasque olympique, d’autres feux jaillissent sûrement dans la tête et les jambes d’une jeune femme de 28 ans.

 

Crédit photo : ©Emily Harrop

Qu’est ce qui te passionne (en dehors du ski-alpinisme) ?

C’est drôle que tu me poses cette question : justement la semaine dernière, j’ai eu une discussion avec mon copain sur la définition du mot « passion ». Que veut dire être passionné de quelque chose ? Sommes-nous obligé d’être bon pour être passionné ? Doit-on pratiquer régulièrement pour faire d’un hobby, une passion ? De mon point de vue, ce n’est pas nécessaire. Je n’ai pas énormément de temps à y consacrer et je ne suis pas Jimi Hendrix mais j’adore la guitare, par exemple. On joue ensemble avec mon copain, qui pratique la batterie, et le fait de partager ensemble cette passion pour la musique la rend d’autant plus nécessaire à mon équilibre.

J’adore aussi voyager : faire des rencontres, découvrir d’autres cultures. Dans une autre vie, j’aimerais y consacrer plus de temps d’ailleurs ! Et puis j’adore l’océan et toutes les activités qu’on peut faire sur l’eau : le surf, la voile… C’est d’autant plus beau quand on passe la majeure partie de sa vie en montagne. Enfin, comme tout bon français qui se respecte, j’aime la nourriture. Bref, de mon prisme finalement, énormément de choses me passionnent !

Je veux voir où mon corps peut aller dans ma discipline mais aussi de manière globale, car j’aimerais un jour l’emmener ailleurs, vers d’autres horizons. Le ski-alpinisme est un passage, un moyen, mais la fin véritable, celle qui me pousse depuis le début, c’est d’explorer et de repousser mes limites corporelles et mentales. Un jour, je voudrais faire un ultra trail par exemple. Même si je pense qu’arrêter le ski sera très difficile pour moi, car avant je faisais de l’alpin à haut-niveau : j’adore glisser, j’adore la technicité. En automne, je ressens toujours cette vague d’excitation à l’idée de retrouver la neige, comme une enfant qui attend le père noël.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Quelle est le moteur profond, celui qui te pousse à te lever chaque matin pour t’entraîner ?

 

Bouger. Mon moteur c’est véritablement de sentir mon corps vivre et s’exercer. Le tout en pleine nature, s’il vous plait [rires]. Ensuite, j’adore découvrir comment il évolue et les leviers que je peux activer pour l’aider à grandir. J’aime aller loin dans la douleur en séance et voir ce que cela génère. Est-ce que l’effort devient plus facile si je m’entraine plus longtemps d’une certaine manière ?

 

J’ai demandé à ton manager Gregory Jacquet 3 adjectifs qui pourraient te définir. Avant de te les dévoiler et de te demander en quoi ils te représentent, lesquels choisirais-tu si tu devais faire ton autoportrait ?

C’est marrant en arrivant au stage, on a effectué un exercice de ce type, on devait essayer de dessiner la manière dont les autres nous voyaient. Je dirais que les mots qui me caractérisent sont :

JOYEUSE : je me lève rarement du pied gauche et j’ai souvent l’enthousiasme dans la poche.

DETERMINEE : je suis une compétitrice dans l’âme, du ski alpin quand j’étais plus jeune au ski-alpi aujourd’hui, et peut être un jour avec le trail, qui sait ?

Crédit photo : ©Emily Harrop

MALADROITE : si je ne me lève jamais de ce pied, j’ai parfois l’impression d’avoir deux mains gauches [rires]. Je crois que tous mes proches pourraient témoigner de mon côté « boulette ».

Gregory t’a défini avec les trois mots suivants : déterminée, passionnée et inspirante. Vous avez en commun l’aspect détermination. Qu’est ce qui a pu lui faire dire cela selon toi ?

• DETERMINEE : Greg me connait très bien. Il sait que lorsque j’ai trouvé mon fil rouge, mon objectif, je ne le lâche pas. Même quand ça va mal. Si je l’ai fixé, je dois trouver les moyens pour l’atteindre. Et j’ai sur mon trousseau deux clés précieuses pour cela : l’espoir et la patience.

PASSIONNEE : Je me passionne effectivement pour beaucoup de choses, comme on le disait tout à l’heure (tout dépend comment on le défini [rires]). Mais c’est pour cela que j’aime le ski-alpi, il permet de faire plusieurs disciplines différentes dans un même sport : sprint, longue distance… tout est complémentaire.

INSPIRANTE : Je pense que Greg a dit cela car j’essaie de mettre en lumière mon sport, je trouve qu’il est passionnant (en toute objectivité) et trop méconnu du grand public. Amener la passion du skimo au-delà des frontières montagnardes, transmettre la flamme, le virus du ski-alpi aux jeunes générations, cela m’anime aussi réellement.

J’AI SUR MON TROUSSEAU DEUX CLÉS PRÉCIEUSES : L’ESPOIR ET LA PATIENCE

Au-delà des JO, comment vois-tu ta vie, ta carrière à moyen-long terme ? Quelles sont tes aspirations sportives et personnelles ?

J’ai des projets en montagne de l’ordre de l’aventure : des traversées, des sommets à l’étranger… J’aimerais aussi m’essayer au trail, comme je te le disais. Je ne sais pas quand cela arrivera, ça dépendra aussi des JO 2030 : si le ski-alpi est de nouveau au programme, je crois que j’aurais envie de revivre une olympiade. Et vivre ça dans mon propre pays, ce serait incroyable, ce serait aussi une belle façon de faire rayonner le ski-alpinisme. En ce qui concerne mes aspirations personnelles, je me pose souvent la question. Après le lycée, j’ai fait une école de commerce, à Grenoble, mais en 2021, je me suis professionnalisée en ski-alpi.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Je ne sais pas  exactement ce que je voudrais faire plus tard mais je me vois travailler dans le sport ou l’outdoor, peutêtre pour une entreprise, peutêtre à mon compte. En fait, rien n’est vraiment figé. Parfois, je m’imagine ouvrir un lieu de vie dans mon village, à Bozel, un espace d’accueil dans lequel je servirais de bons cafés en terrasse avant d’emmener mes clients faire du ski de rando quand il fait beau [sourire].

Qu’est ce qui te fait profondément rêver et te pousse à te lever chaque matin ?

En ce moment, ce sont les JO d’hiver, rêve qui, aussi loin que je me souvienne, m’anime depuis toujours. Sauf qu’avant, c’était un rêve seulement, c’était inatteignable. J’ai quitté le ski alpin pour me professionnaliser dans une discipline qui n’était pas olympique jusqu’ici. Et puis fin 2021, tout a changé, nous avons appris que notre discipline serait aux JO en 2026. Depuis, j’ai tous les jours une raison de me lever du bon pied le matin, de coller, décoller et recoller mes peaux des dizaines de fois par jour. 

JE VOUDRAIS AMENER LA PASSION DU SKIMO AU-DELÀ DE SES FRONTIÈRES MONTAGNARDES

Un autre de mes rêves s’est réalisé récemment : j’ai été appelée à rejoindre « l’Armée de champions ». Pour faire partie de ce groupe d’environ 200 athlètes de haut niveau soutenus par le ministère des Armées, il faut soumettre un dossier. J’ai déposé le mien une première fois en 2020, sans succès. Puis, l’année suivante, l’annonce que le ski-alpinisme intégrerait les JO d’hiver 2026 a changé la donne, et cette fois-ci, j’ai été sélectionnée. J’ai ensuite été ajoutée sur un groupe Whats App dans lequel les sportifs que j’admirais depuis petite étaient là : Tessa Worley, Adrien Théaux… Le coach de la fédé a mis un message pour me souhaiter la bienvenue dans ce groupe et de petits émoticônes « pouce » ont surgit de la part de mes idoles du sport. Je m’en souviens comme si c’était hier. Jamais un émoticône n’avait suscité autant d’émotions chez moi [rire]. C’était le début de mon rêve olympique.

Crédit photo : ©Emily Harrop

Pour finir, je te propose un exercice de fiction. Nous sommes au printemps après des JO aboutis et une saison réussie, où est ce qu’on te retrouve et avec qui ? Quelles seraient tes priorités ou bien tes envies ?

Je crois qu’on pourrait me retrouver sur une planche de surf au milieu de l’océan. Ou bien en train de faire une grande fête avec mes amis, ma famille, les athlètes de la fédé, nos coachs et tous les gens importants que j’oublie. Une soirée dont tout le monde se souviendrait, avec Céline Dion comme maitresse de maison.

Crédit photo : ©Emily Harrop

 

Texte de Rose Rousset

 

Vous voulez des cookies ?

Ce site utilise des cookies pour garantir la meilleure expérience de navigation.

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies tiers destinés à vous proposer des vidéos, des boutons de partage, des remontées de contenus de plateformes sociales

Paramétrage de mes cookies

Au-delà des cookies de fonctionnement qui permettent de garantir les fonctionnalités importantes du site, vous pouvez activer ou désactiver la catégorie de cookies suivante. Ces réglages ne seront valables que sur le navigateur que vous utilisez actuellement.
1. Statistiques
Ces cookies permettent d'établir des statistiques de fréquentation de notre site. Les désactiver nous empêche de suivre et d'améliorer la qualité de nos services.
2. Personnalisation
Ces cookies permettent d'analyser votre navigation sur le site pour personnaliser nos offres et services sur notre site ou via des messages que nous vous envoyons.