Publié le 6 décembre 2025
Directe de l’Amitié : libérer la voie la plus dure des Grandes Jorasses pour un souvenir éternel.
Crédit photo : ©Daligault_Devin_Martinet
Interview

Directe de l’Amitié : libérer la voie la plus dure des Grandes Jorasses pour un souvenir éternel.

Ils incarnent une nouvelle génération d’alpinistes, libre et décomplexée. En libérant la dernière longueur de cette voie mythique, Virgile Devin, Esteban Daligault et Simon Martinet signent un exploit inoubliable en cinq jours d’aventure.
ESCALADE ALPINISME
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C’est l’histoire de trois alpinistes qui, sans trop se poser de questions, ont réalisé un exploit historique : gravir la face Nord des Grandes Jorasses par la redoutable Directe de l’Amitié. De prime abord, ce n'est pas la randonnée la plus simple pour aller manger une pizza à Courmayeur.

En novembre dernier, Virgile Devin (25 ans), Esteban Daligault (25 ans) et Simon Martinet (32 ans) réussissent l’impossible avec cette voie de 1 100 mètres d’escalade mixte. Un mélange de granit et de glace pour une cotation maximale de M9+, réparti sur 22 longueurs. « Ce truc », comme le nomme Esteban Daligault, est considéré depuis 50 ans comme l’un des derniers grands « problèmes » des Alpes.

Une paroi qui écrase, un engagement total

Face Nord, 3 000 mètres d’altitude, toujours à l’ombre : « La Directe de l’Amitié, c’est une vague de granit déversant qui te fait te sentir minuscule », résume Virgile Devin. Le rocher, parfois friable « comme un sablé breton », complique encore la progression. Bref, un terrain où rien n’est cadeau.

Ouverte en 1974 par Yannick Seigneur, Louis Audoubert, Michel Feuillerade et Marc Gally, cette ligne n’avait encore jamais été libérée intégralement. En 2022, Léo Billon, Benjamin Védrines et Seb Ratel s’y étaient cassés les dents en tentant de la libérer entièrement lors de leur Trilogie dans les Alpes.

Ces derniers qui n’ont d’ailleurs pas manqué de féliciter le trio sur les réseaux ont donné une autre dimension encore à l'aventure : « Nous on regarde Benjamin Védrines avec admiration, et quand on reçoit un message de lui ça nous fait hyper plaisir et on est un peu fiers. » explique Esteban.

C'était devenu une sorte de mythe des Grandes Jorasses de finir ce truc

Crédit photo : ©Daligault_Devin_Martinet

Une nouvelle génération qui grimpe "libre"

Pour la cordée Devin-Daligault-Martinet, hors de question de tirer sur la corde. Leur credo : liberté et pureté du geste. « La corde, c’est pour se protéger, pas pour avancer », rappelle Virgile.

Lorsque se présentent les trois longueurs extrêmes, estimées M9/M9+, ils choisissent de s’y engager sans préparation mentale particulière et presque à vue. Après deux bivouacs dans la face, Virgile quitte ses crampons pour enfiler les chaussons pour la première fois. Piolets à la main, l’objectif est fixé : plier la longueur en "Dry Tooling" et installer le bivouac juste au-dessus.

La nuit est en train d’arriver, le froid pique fort, mais il n’hésite pas : il part sous l’oeil de ses deux amis qui l’encouragent.

Résultat : les trois longueurs passent. À vue. En tête. Dans un rocher délité. Une performance rarissime à ce niveau. Les deux autres le rejoignent, utilisant la corde pour se hisser uniquement dans la troisième longueur clé. Les trois solides l'ont fait.

Dans un extrait filmé pendant l'ascension de la dernière longueur, Esteban filme Virgile en plein effort : "On est avec mon collègue Virgile là-haut, qui est littéralement l’alpiniste le plus fort de cet hiver je vous le dis puisqu’il a déjà sauté les deux M8 à vue et là il se donne très fort !"

Virgile est littéralement l'alpiniste le plus fort de cet hiver je vous le dis !

Crédit photo : ©Daligault_Devin_Martinet

Une performance parmi les plus dures au monde

Crédit photo : ©Daligault_Devin_Martinet

Le lendemain, la cordée sort au sommet de la Pointe Whymper (4 180 m), clouant trois jours d’ascension, 65 kilos de matériel hissé dans la face, des bivouacs suspendus et une détermination à toute épreuve.

Avec une cotation confirmée à M9+, Virgile Devin libère l’une des voies les plus dures du globe, juste un cran sous la limite actuelle (M10). L’audace du trio, nourrie par l’expérience de Virgile en équipe de France d’escalade sur glace et par leur hivernale aux Drus l’an passé, aura fait la différence.

Ils rejoindront Courmayeur le lendemain, épuisés mais conscients d’avoir inscrit leur nom dans l’histoire : celui qui résout l’un des derniers grands défis du massif du Mont-Blanc !

Une voie libérée, oui… mais surtout cinq jours d’aventure totale

Nous avons rencontré Esteban pour nous livrer les coulisses de cette ascension hors norme. Un point revient constamment dans ses mots : l’état d’esprit. Celui d’une cordée qui aborde l’alpinisme sans pression, sans culte de la performance brute, mais avec une envie sincère de partager, de se dépasser ensemble et de vivre la montagne dans ce qu’elle a de plus simple.

Au-delà de la libération de la voie, c’est un voyage de cinq jours entre Chamonix et Courmayeur, entièrement à pied, qui a marqué les trois amis. Une aventure complète, profonde, presque initiatique.

« On nous parle d’exploit parce qu’on a libéré la voie, mais en réalité, on n’a libéré qu’une seule longueur — certes très dure — mais une seule », raconte Esteban. « Ce qu’on retient surtout, c’est qu’on y a passé trois jours, que toutes les longueurs étaient difficiles. On est partis de Cham à pied, on a traversé jusqu’à Courmayeur… Au final, c’est toute l’aventure qui reste, pas seulement cette fameuse longueur clé. »

Il insiste encore : « C’est l’ensemble qu’on retient. Pas juste la perf’. »

Au final, c’est toute l’aventure qui reste, pas seulement cette fameuse longueur clé

Crédit photo : ©Daligault_Devin_Martinet

 

Découvrez l'interview complète de Esteban Daligault qui nous raconte les coulisses de cette ascension à trois. 

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