Publié le 20 septembre 2021
Before the water flow
Crédit photo : © Sammy Billon

Before the water flow

Une aventure décalée & enneigée en kayak extrême
SPORTS NAUTIQUES
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Cinéma, Kayak

Dévaler des pentes enneigées à plus de 50km/h en plein cœur de l’hiver c’est le défi fou dans lequel Éric Deguil multi-médaillé de kayak extrême s’est lancé. Le quadruple Champion du monde, sous la caméra du réalisateur Sammy Billon s’est engagé l’hiver dernier dans un projet filmique aussi risqué que décalé : Before the water flow. Une aventure au cœur des Pyrénées qui amène le kayakiste à dépasser les limites de son sport. Un kayak engagé qui insuffle une énergie de tous les possibles et interroge notre rapport à la Nature. De la source à la rivière, au cœur des montagnes, Éric Deguil renoue avec la neige après avoir passé toute sa vie dans l’eau.

Crédit photo : © Sammy Billon

D’ordinaire pour voir le palois, il faut l’observer sur l’eau. Pour Before the water flow, les regards se sont étonnamment tournés vers la neige et les pentes des stations de skis. L’hiver dernier, alors que le monde traverse une crise sans précédent liée à la crise sanitaire. Le palois ne baisse pas les bras. Même si le confinement a été un coup dur pour lui qui est habitué aux grands espaces, de grandes idées peuvent jaillir de moments difficiles. Ce projet est l’occasion pour lui de renouer à sa manière (extrême !) avec sa pratique et l’occasion de redonner espoir à toute une génération de kayakistes et de sportifs, quel que soit leur niveau, de croire en leurs envies et de ne pas baisser les bras. 

Peu importe la saison, le palois défend un état d’esprit peu traditionnel du kayak, après avoir quitté les bassins artificiels, le compétiteur s’est lancé dans une approche plus essentielle de son sport : la rivière il veut la vivre et la ressentir. C’est l’idée au cœur du projet « Before the water flow » (traduit en français : avant que l’eau ne coule). Renouer avec la rivière dans son ensemble, avec la neige, avant qu’elle ne devienne l’eau qui coule des glaciers pour se jeter dans celle-ci. Casque rose vissé sur la tête, la barbe gelée et les bras gonflés d’acide lactique, Éric Deguil, une référence dans la discipline, nous emmène au cœur de cette aventure extrême et décalée.

Peu importe la saison, le palois défend un état d’esprit peu traditionnel du kayak

Crédit photo : © Sammy Billon

Un kayakiste hors norme

« Pink Helmet » comme on le surnomme dans le milieu, n’en ai pas à son premier coup d’essai. C’est un défi qui ne choque presque pas lorsqu’on connaît le palmarès et la trajectoire de ce fils et petit-fils de kayakiste. Quadruple Champion du Monde de kayak extrême, il est également triple vainqueur de l’iconique Green Race, course de kayak extrême qui se déroule aux Etats-Unis considérée comme la course la plus difficile au monde.

Crédit photo : © Sammy Billon

La rivière, il la côtoie donc depuis toujours. Originaire de Nîmes, Éric n’a jamais été forcé à prendre l’eau comme il le dit, c’est sa passion pour l’outdoor qui l’y a conduit. Il fera ses premiers faits d'armes en parallèle de ses études d'ébénisterie à Pau. Il entre dans l’équipe de France de canoë en slalom et en descente aux côtés des plus grands champions de la discipline tel que Tony Estanguet. En 2004 et 2008 il participe aux sélections pour les Jeux Olympiques. Mais c’est lassé des bassins artificiels et pour renouer avec son attrait pour la nature que le kayakiste se tourne vers les rivières d’eaux vives et le kayak extrême. Il devient alors quadruple Champion du Monde de la discipline en 2011, 2012, 2014 et 2016, vice Champion du Monde en 2015 et 2018 et laisse définitivement son empreinte dans la discipline

C’est ainsi, par amour de son sport et pour repousser ses limites que le kayakiste cherche en permanence de nouveaux défis à surmonter aux quatre coins du monde. Depuis ces dernières années, ce sont des records plus personnels que le kayakiste s’est donné. Fort de son expérience en 2009 au Cap-Vert, l’aventure Volcano ride lui a donné le goût pour des challenges extrêmes et décalés. Avec son entraîneur de l’époque et accompagné de son amie Camille de Faucompret, snowboardeuse en équipe de France, il a dévalé à une vitesse de 50km/h les flancs à 40% du volcan Fogo encore en activité. Par ses expédition et aventures sportives, le palois souhaite pousser sa discipline dans une autre dimension. Un kayak extrême qui ne se limite pas à la compétition mais qui invite au dépassement de soi.

Une idée un peu folle

Crédit photo : © Sammy Billon

C’est dans cette ligne directrice, que ce projet un peu fou de dévaler les pentes de Pyrénées en kayak est née. Une parenthèse enchantée en ces temps de crise. Un kayak un peu « léger » comme le décris le sportif mais qui cherche un sens plus profond. « Je cherchais des défis à relever, en Colombie Britannique, au Costa-Rica, en Equateur, mais finalement ce que la crise m’a montré c’est qu’on a de formidables chose à coté de chez-soi ». Les records qu’ils souhaitent réaliser étant mis en pause par la crise sanitaire, c’est vers la poudreuse qui tombe près de chez lui que le kayakiste s’est tourné. 

Toutefois pour passer de la théorie à la pratique, il a fallu s’organiser. Même si le défi est amusant, pour ne pas se blesser, il faut un minimum d’entrainement au kayakiste. Chez lui Éric a installé une salle de gym qu’il a fabriqué lui même pendant le confinement, avec des poids, des haltères, un banc de musculation et un rameur, de quoi entretenir et améliorer sa forme en vu de ses prochains défis. Pour Before the water flow, le kayakiste n’a pas changé sa routine, celle qu’il mène en vue de prochains records. Son entrainement quotidien se passe à la rivière, il y retourne quasiment tous les jours, pour l’observer, l’essayer, la parcourir portion par portion. Même au travail, le palois ne s’arrête pas, élagueur de profession, un métier physique, il doit jongler pour être père de famille, élagueur professionnel et kayakiste accomplit.

Before the water flow

Lui qui a navigué sur les rivières du monde entier, c’est à coté de chez lui, dans les Pyrénées-Atlantiques, sur la neige qu’il se retrouve entre les mois de novembre et février pour le tournage. 

Crédit photo : © Sammy Billon

A chaque fois, le procédé se ressemble, avant de partir il faut vérifier les conditions météo, pour éviter la pluie et s’assurer d’un bon niveau de neige fraiche. Une première marche d’approche est nécessaire en raquette pour atteindre le sommet enneigé d’où le kayakiste s’élancera. Celle-ci est longue et plutôt pénible avec le poids du kayak de 22 kilos sur le dos. Les matins sont froids à cette période de l’année, les températures peine à atteindre les -5°c voir -10°c avant les premières lueurs du soleil. Certain matin, sont tellement glacé que sa barbe gèle. Les quelques groupes de ski-randonnée croisés n’en croient pas leurs yeux. Le kayakiste porte sur lui sa tenue classique de kayak, une combinaison étanche, une jupe pour éviter que la neige ne s’engouffre dans l’embarcation, son casque et son gilet de sauvetage pour absorber les choques. 

Éric en haut de la piste analyse sa trajectoire. Ici il n’est plus question de ligne d’eau comme sur la rivière mais quasiment une « ligne de neige ». S’il n’a pas vraiment le contrôle de son embarcation une fois lancé sur la neige, il peut toutefois prévoir sa trajectoire et son freinage en observant le dénivelé et le relief de la pente. Un faux départ pourrait le conduire à un accident dramatique. Sur la rivière chaque coup de pagaie est millimétré, ici la seule commande qu’Éric peut avoir c’est un léger mouvement de balancier sur la droite ou la gauche pour incliner sa direction, il faudra s’en suffire malgré la vitesse. Le freinage est encore plus brutal, aucun coup de pagaie ne peut ralentir le kayakiste une fois lancé, seule une poudreuse ou une piste assez longue peut freiner la centaine de kilos qu’il forme avec son embarcation. Pour cela, « la visualisions mentale aide beaucoup, il faut se placer des points de repère et imaginer les mouvements ». 

Crédit photo : © Sammy Billon

Une fois lancé, adrénaline, vitesse et joie laissent place à l’appréhension de la pente et l’inconnue de la trajectoire. Le palois est propulsé a plus de 50 km/h dans les pentes les plus engagées. Même si la technique n’est pas la même, il doit garder la maitrise de son embarcation. Et il faut parfois recommencer, quand la descente ne se passe pas comme prévue, qu’un rocher freine ou que le kayak dévie de son tracé. Il faut alors inlassablement redoubler d’effort pour retourner au sommet. « C’est éreintant de remonter la pente enneigée, répété, répété et répété ». La fatigue s’accumule vite au fil de la journée et sans remontées mécaniques (fermées pour cause de pandémie), les bras et jambes se font sentir. Éric tente de nouvelles techniques pour tirer son kayak, avec une sangle, à bout de bras, il hisse le kayak sur les pentes enneigées. Mais c’est loin d’être gagné, le froid, la pluie, le mauvais enneigement viennent parfois stopper l’aventure.

Une fois relancé à pleine vitesse, la neige comme la rivière ressemble à une partition de musique dans les mains du kayakiste. Son coup de pagaie, son essence en kayak rend l’exercice facile aux yeux des observateurs. De nombreux randonneurs du jour s’arrêtent surpris de cette rencontre improbable. 

Est-ce un nouveau souffle pour le kayak en rivière ? « Certainement pas » plaisante Éric, « mais un kayak qui se reconnecte aux éléments ». « Naviguer avec le cœur » est au centre de la philosophie du palois. C’est cette sensation de glisse que la kayakiste recherche par dessus tout « cette sensation d’être portée par les éléments, sur l’eau comme sur la neige ». Devant l’objectif, le kayakiste exulte mais derrière aussi. Éric est un homme de la rivière, il y passe son temps à la recherche de nouveau tronçon à explorer, de nouvelles chutes à ressentir, et de nouveau rapides à vivre. Etre vivant c’est être à l’eau pour le passionné de kayak. Athlète, amoureux de la nature et kayakiste engagé, c’est avec beaucoup d’allégresse qu’Éric a relevé ce défi.

Adrénaline, vitesse et joie laissent place à l’appréhension de la pente et l’inconnue de la trajectoire.

Crédit photo : © Sammy Billon

Toujours plus, toujours plus grand

Before the water flow est un défi atypique qui sert d’ébauche avant de nouvelles aventures plus grandes, c’est un « petit test avant de viser plus gros ». Le kayakiste a déjà un tout autre challenge en tête. Après son record du monde de dénivelé parcourus en 24h établit en juillet 2017 en Norvège (4749m). Éric, souhaite se relancer dans le challenge, une expédition record encore jamais vue :  La descente du Gave de Cauterets. Une rivière avec des rapides de catégorie IV très techniques et dangereuse située dans les Pyrénées-Atlantiques. L’objectif du kayakiste est d’effectuer la descente de 12km et les 600 mètres de dénivelé en moins d’une heure au lieu de 2 à 3h habituellement. Le parcours est déjà dans sa tête lorsqu’il finit Before the water flow, « je prends le départ au niveau de la dalle de la Raillère et j’arriverais au confluent des gaves de Pau et de Cauterets au niveau de Pierrefitte-Nestalas ». Une performance hors du commun pour un kayakiste hors norme qu’il réalisera le 04 juin 2021 en 1h. 

Cependant, malgré ses exploits solitaires, Éric n’en oublie pas le collectif, « sans les copains, rien ne serait possible ». Le palois est d’ailleurs re-parti cette été avec une bande de kayakistes amateurs de grands frissons. La « bande de pote » composée de Julien Turin, Nouria Newman, Guillaume Hasson et Jonas Le Morvan s’est immergée en totale autonomie dans les rivières encore inexplorées de Laponie pendant 11 jours. Une expédition en pleine nature sauvage comme celle que le palois affectionne tant. 

Derrière la performance, Éric cherche aussi le beau. Une beauté que seule la nature peut lui offrir.

Crédit photo : © Sammy Billon

Car derrière la performance, Éric cherche aussi le beau. Une beauté que seule la nature peut lui offrir. Or son propre terrain de jeu, la rivière, se retrouve menacée par le dérèglement climatique. Si Éric plaisante en disant qu'il en a « marre d’attendre que ça fonde pour pouvoir faire un tour de kayak ». Before the water flow est aussi le moyen de réfléchir sur les changements climatiques qui sont de plus en plus visibles dans son sport. « Avec le réchauffement climatique la saison commence plus tôt et se finit plus tôt aussi, vers fin juillet mi-août » car il y a moins d’eau et la pluviométrie change « on le ressens au niveau de la rivière ».  Le Kayak c’est aussi une façon de se reconnecter avec les éléments, de se fondre dans le jeu de la nature et de ne faire plus qu’un. Désormais les nouveaux défis d’Éric prendront en compte la rivière dans son ensemble, des défis plus périlleux et plus physiques donc que le quadruple champion du monde s’en va relever, « l’idée c’est de prendre la rivière dans son ensemble et de partir de la source jusqu’à son embouchure le plus vite possible, ça fait des portions de 6, 8, 12 voir 30km et les faires à « donf », c’est encore un autre jeu, on joue avec la nature, avec les éléments. Aujourd'hui c’est vraiment ce qui me motive ».

De Delphine Danielou 

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